Ce n’est peut-être pas tout à fait un hasard si Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi traversent des turbulences au même moment. Si les politiques des deux hommes ne sont pas identiques, elles ont un air de famille. A tel point d’ailleurs que l’on peut parler, à la suite du politologue Pierre Musso, de sarkoberlusconisme. J’y reviens dans un instant. Mais d’abord les parallèles. Le remaniement annoncé de longue date par Nicolas Sarkozy s’est conclu de la manière que l’on sait. Avec un résultat incontestable et inattendu, l’hyper président a réussi à conforter d’un seul coup tous les rivaux de son propre camp : le premier ministre en sort renforcé, un concurrent potentiel prend la tête de l’UMP, les gaullo-chiraquiens n’ont jamais eu autant de poids depuis 2007, les centristes évincés peuvent former un front d’opposition au sein même de la majorité présidentielle.
Pour Sarkozy, le bilan est stupéfiant tant du point de vue des perspectives politiques que de la gestion de ses alliés. De l’autre côté des Alpes, celui de Berlusconi n’est pas plus brillant. Empêtré dans les affaires judiciaires et les frasques privées, avec une popularité en chute libre, l’hyper président du conseil italien a, lui aussi, réussi à transformer l’un de ses alliés en adversaire désormais disposé à lui faire mordre la poussière. On sait depuis longtemps que l’éventuelle défaite du berlusconisme viendra de son rival de droite Gianfranco Fini au nom d’un certain sens de l’état. Le centre –gauche demeurant essentiellement spectateur des événements.
Cela dit, même affaibli, le sarkoberlusconisme n’ a pas dit son dernier mot. Car au fil des ans, il a imposé un tournant idéologique et culturel qui a imprégné la société. La politique considérée comme un management et, en quelque sorte, libéralisée. L’urgence et l’omniprésence médiatique réduisant le politique à sa mise en scène. L’effacement des frontières entre vie privée et vie publique. Voilà autant d’éléments constitutifs de ce néo-libéralisme latin face auquel la gauche et le centre gauche peinent à présenter des alternatives crédibles. Le rejet du sarkoberlusconisme est de plus en plus patent, comme l’a montré récemment la mobilisation populaire en France ou comme l’indiquent les sondages Mais tant que ce rejet n’aura pas trouvé de traduction politique convaincante, tout restera possible pour cet étrange attelage idéologique.