Les tigres sont une espèce en danger de disparition. On en parle beaucoup ces temps-ci. Il en est, en tous cas, une sorte qui va très mal, c’est le tigre celtique qui semble bien avoir perdu ses dents. Souvenez-vous, c’était au début du XXIe siècle, le tigre celtique désignait le modèle irlandais, le modèle des modèles libéraux. Une croissance record, pas de chômage, pas de régulation et un minimum d’impôt : le triomphe du marché tout puissant, la panacée universelle pour l’idéologie ultra libérale. Une décennie, et quelques crises plus tard, l’ Irlande est un champ de ruines : près d e 14 % de chômage, un déficit public de 32 % du PIB, une crise immobilière sans précédent ( 230.000 logements vacants pour une population de 4 millions et demi d’habitants), des ménages exsangues, la fuite des jeunes dans l’exil, et un plan d’austérité terrifiant qui va diminuer les prestations sociales et le salaire des fonctionnaires, prix à payer pour l’aide de quelque 100 milliards d’euros apportée par l’Union Européenne et le FMI. Avec en en prime la menace d’une contagion sur les autres économies européennes.
Voilà le bilan du tigre celtique. On se demande sur quel air il faut le chanter mais depuis 2007 la succession des crises n’est qu’une répétition dramatique : mêmes causes, mêmes conséquences. Sans que les États, ni les organisations internationales n’imposent une réelle régulation qui mettrait hors de nuire un système bancaire à l’origine de toutes les catastrophes. Au contraire même, puisque les banques ont repris leurs bonnes vielles pratiques d’avant 2007 avec les mêmes risques et les mêmes spéculations. Et pourquoi s’en priver, puisque les États, désormais totalement liés à leur sort, interviennent pour les sauver de la déroute ?
Car en Irlande, c’est bien à nouveau la folie bancaire et sa démesure qui sont à l’origine de la crise. Schéma désormais classique : la bulle immobilière éclate (après une politique démente en la matière), les banques ne sont sauvées que par l’Etat qui accorde sa garantie à la dette bancaire, avec pour effet immédiat une hausse vertigineuse du déficit public. Dette publique et dette bancaire sont désormais confondues sans que l’Etat se donne les moyens de contrôler le système. Et la spéculation se tourne alors vers la dette publique. Même schéma, même effet : c’est le contribuable déjà touché socialement qui paye une deuxième fois le prix de la crise. Comme le dit brutalement un sociologue irlandais : « le peuple paye la facture des banksters », contraction, vous l’aurez compris, de banque et gangster. Et c’est ainsi que les choses se passent une nouvelle fois avec le tigre celtique et moribond.