Ce n’est pas une surprise. L’invitation faite au PTB de participer à des majorités dominées par le PS s’est accompagnée illico presto d’une sommation à « prendre ses responsabilités ». C’est de bonne guerre de la part d’un PS qui espère ainsi contrecarrer la progression d’une gauche radicale qui lui taille des croupières. Ce qui l’est moins, ce sont les commentaires condescendants sur les propositions du PTB généralement qualifiées — au mieux — d’« irréalistes » par certains de ceux-là même qui les ont conviés à la table de négociation. C’est sans doute ce que Paul Magnette appelle un « exercice de pédagogie politique ».
Personne ne pensait que le rapprochement serait aisé, quand même serait-il réellement souhaité par les deux partis. Naturellement, il faut distinguer les situations. Là où le PS possède la majorité absolue, l’invitation à élargir cette majorité ressemble surtout à une tentative de neutraliser l’opposition ou vise à faire la démonstration de l’incapacité ou du refus final de la gauche radicale de réaliser des compromis viables. L’octroi d’échevinat(s) ne change pas le véritable rapport de forces même si en termes de communication il veut démontrer la générosité politique de ceux qui les accordent. À Charleroi, PS et PTB ont déjà donné des versions très différentes de leur première rencontre et les échanges en cours prennent un ton polémique. Et quoiqu’il advienne, chacun veille légitimement à ne pas endosser la responsabilité de l’échec ou de la rupture. Difficile de démêler les fils des échanges.
Par contre, on peut tirer quelques enseignements de l’entretien que Paul Magnette a accordé au « Soir »[1] sur la manière dont il appréhende la gauche radicale et sur la vision qu’il a des rapports possibles avec cette dernière. Dans l’entretien cité, le bourgmestre de Charleroi qui « pendant cinq minutes veut faire le politologue » distingue quatre types d’extrême gauche en Europe dans une confusion ou une imprécision (en tous cas pour un « politologue ») qui ne sont pas sans conséquence sur le rapport qu’il entend installer avec celle-ci. Pour Magnette, il y aurait, d’abord, « un courant enfermé dans la contestation, du style de la France Insoumise » de Jean Luc Mélenchon. Et cela alors que Mélenchon a précisément mené toute sa campagne présidentielle puis législative sur le thème de l’« accession au pouvoir » (ce qui a sans doute contribué à ses bons résultats). Paul Magnette distingue ensuite « deux courants minoritaires : un mélange de poujadisme et d’extrême gauche comme les Cinque Stelle de Beppe Grillo qui est en train de virer à droite, et une extrême gauche raciste constituée par une partie de Die Linke en Allemagne (…) » Là, on a connu le politologue mieux inspiré… et mieux informé. S’il est vrai que les Cinque Stelle ont capté une partie de l’électorat de gauche, depuis des années Beppe Grillo mène des campagnes virulentes contre les services publics, les syndicats et les immigrés (Grillo qui refuse depuis toujours le droit du sol). Quant à l’actuel leader des Cinque Stelle et vice-premier ministre, Luigi Di Maio, avant de s’allier avec l’extrême droite raciste de Salvini, il affirmait vouloir « réaliser la révolution libérale que Berlusconi n’a pas faite »… Dans la catégorie « extrême-gauche », on a connu plus radical ! De même qualifier « une partie de Die Linke d’extrême gauche raciste » ne correspond pas à la réalité de la situation allemande, quelles que soient les polémiques déclenchées par les déclarations récentes de Sahra Wagenknecht sur l’immigration.
Enfin, il y a pour Magnette, une « bonne » gauche radicale, « celle qui prend ses responsabilités ». Et qui voilà ? Syriza, qui pour rappel, en Grèce, a appliqué la politique d’austérité de la Troïka après avoir conquis le pouvoir en promettant le contraire. Évidemment cela peut rappeler certaines pratiques sociales-démocrates. Parmi les autres bonnes gauches radicales, selon Magnette, les communistes portugais qui, il est vrai, appuient le gouvernement socialiste, mais de l’extérieur et en fonction des propositions. Ce qu’omet de préciser notre politologue qui ajoute encore à son tableau d’honneur, Podemos qu’il félicite d’avoir passé un accord avec les socialistes espagnols. Accord effectivement important notamment sur les salaires minimum, les retraites et la fiscalité. Mais là aussi, il oublie de préciser que le rapport de force en Espagne est fondamentalement différent : les socialistes ne totalisent que 84 députés sur 350, tandis que Podemos en compte 71 !
On ne peut pas imaginer que le professeur Magnette ignore tout ceci. Alors peut-être le politologue a-t-il voulu donner un coup de main au Bourgmestre en développant une vision essentiellement instrumentale de la gauche radicale afin de disqualifier le PTB aux prises avec des négociations délicates.
[1] Le Soir des 20 et 21 octobre 2018
Bonjour,
Vous dites « Syriza, qui pour rappel, en Grèce, a appliqué la politique d’austérité de la Troïka après avoir conquis le pouvoir en promettant le contraire ». Ne conviendrait-il pas de préciser que la troïka a obligé Syriza à choisir entre ses politiques d’austérité ou la sortie pure et simple de l’euro ? Si ces politiques d’austérité ont en effet été appliquées, c’était à tout le moins avec un couteau sous la gorge…