J’évoquais la semaine dernière comment la France endosse régulièrement au gré de son histoire les habits idéologiques d’un vieux pays de droite. La manifestation contre la mariage pour tous et l’intervention militaire au Mali en étaient deux illustrations à des titres et à des degrés divers. A propos de cette dernière, le discours très martial de François Hollande qui semble parfois emprunter au vocabulaire « bushien » ne fait qu’accentuer l’impression. Et, comme pour confirmer, le sentiment de droitisation de la société français, un sondage du CEVIPOF – le Centre de recherches politiques de Science Po- publié cette semaine indique clairement combien les valeurs conservatrices voire réactionnaires dominent les esprits hexagonaux.
Quelques exemples : alors qu’en 2009 49 % des personnes interrogées trouvaient qu’il y avait trop d’immigrés en France , ils sont actuellement 65 % à exprimer cette opinion. 32 % voulaient le rétablissement de la peine de mort, ils sont aujourd’hui 45 % à la demander. De ce sondage ressort une France aux accents autoritaires sur le plan sociétal et libéraux dans le domaine socio-économique. Toujours en 2009 43 % des sondés souhaitaient que l’ État donne plus de liberté aux entreprises, ils sont à présent 53 %. Et inversement, ils ne sont plus que 44 % contre 52 à estimer qu’il faut que l’État contrôle et réglemente les entreprises. Il se dessine donc bien une France imprégnée d’une idéologie de droite et même dans certains domaines de droite radicale. Bien sûr, ceci n’est qu’un sondage et on sait que les cycles idéologiques connaissent des évolutions parfois surprenantes. Mais il n’empêche l’hégémonie culturelle et idéologique de la droite semble bien une réalité même si elle peut être momentanément contredite par des évolutions électorales ou politiques apparemment contradictoires.
Les peurs et les angoisses nées de la crise socio-économique suscitent évidemment cette frilosité et même ce repli sur soi. Mais il ne s’agit pas là d’une explication suffisante. Le décryptage n ‘est pas simple. Cet état d’esprit conservateur semble contredire l’élection récente d’un François Hollande qui avait promis le « changement maintenant ». Mais en même temps l’extrême prudence réformatrice et les tergiversations du président de la République ne sont pas totalement incompatibles avec l’évolution de la société française. Et le social libéralisme qui domine la vision politique du chef de l’État peut même s’en accommoder. Mais ici aussi l’analyse est trop courte. Peut-être faut-il aussi aller voir du coté de la démographie et des valeurs d’une population majoritairement vieillissante qui aspire à la fois à l’ordre social et au désordre économique qu’incarne le libéralisme . L’injonction est moins paradoxale qu’il n’y paraît.