Vallouise (Hautes Alpes),
Ici aucun candidat ne se hasarde. Le Dauphiné Libéré s’en plaignait ce matin : «Les candidats à l’Elysée boudent le 05 (numéro des Hautes Alpes) » titrait le quotidien régional. Les Hautes Alpes, peu peuplées, ne sont pas un enjeu pour les états-majors des candidats qui ont d’autres départements à sillonner. Ici, en 2007, on a voté majoritairement Sarkozy, mais l’un des deux députés est à gauche. A L’Argentière la Béssée, on a fermé cette semaine la dernière entreprise métallurgique d’une vallée qui jadis – jusqu’en 1987 – abritait un des fleurons de Péchiney. A la désertification industrielle s’ajoute cette année un enneigement insuffisant qui a compromis la poursuite de la saison touristique déjà touchée par la crise.
On parle donc, comme partout, des difficultés quotidiennes mais peu de la campagne présidentielle. Ce n’est pas pour autant que celles-ci ne pèseront pas sur les choix électoraux. En l’absence de tout candidat ou de leurs seconds, les militants font campagne mais discrètement. Peu d’affiches, peu de grosses réunions publiques. Et pourtant dans une élection dont les résultats seront serrés chaque voix comptera et celui qui mobilisera le mieux la France profonde et apparemment indifférente gagnera.
La dernière entreprise métallurgique…
Pendant ce temps, à quelques 750 km de là, c’est la veillée d’armes à la Bastille où Jean Luc Mélenchon compte bien vivre le moment phare de sa campagne. Gonflé à bloc par sa progression constante dans les sondages (jusqu’à 11%), le leader du Front de Gauche compte sur la mobilisation de ses troupes pour « reprendre la Bastille » et y tenir son discours attendu sur la VIe République qu’il appelle ardemment de ses vœux. Mélenchon a le vent en poupe et il peut d’ores et déjà gouter une victoire : avoir réussi à structurer une force politique à la gauche du PS. Des socialistes lorgnent vers lui, des verts sont séduits par sa planification écologique, des anciens électeurs du NPA et de LO sont prêts à le rejoindre et les militants communistes longtemps méfiants sont enthousiastes. Heureusement pour le candidat qui a pu compter sur l’organisation toujours efficace d’un parti qui malgré son déclin est encore capable de fortes mobilisations.
Tout sourit pour l’instant à celui qui affirme un peu présomptueusement – mais on sait qu’il peut avoir de l’humour (un peu moins sur lui que sur les autres cependant) – qu’il est « en passe de gagner la bataille idéologique de la campagne ». Hollande ayant avancé la proposition de taxer les millionnaires à 75% et Sarkozy ayant suivi avec sa volonté de taxer les exilés fiscaux, deux propositions du programme Front de Gauche, Mélenchon feint d’y voir la preuve de son hégémonie culturelle (n’est tout de même pas Gramsci qui veut…). Il n’empêche le Grand Républicain (parfois proche du laïcardisme) réalise un parcours sans reproche. Seul et dernier vrai orateur de la scène présidentielle, pédagogique et charismatique, radical et ayant le sens du compromis, il peut – il sait – emporter la conviction. Restera à transformer ce succès en victoire politique… pour l’ensemble de la gauche. Une autre histoire mais avant cela on attend avec curiosité la nouvelle prise de la Bastille.