Jean Van Lierde, l’Objecteur

Ce mardi 3 mai, on commémorera à Bruxelles ( Boitsfort), le 10ème anniversaire de la disparition de Jean Van Lierde ( entre autres)chef de file de la lutte pour l’objection de conscience et co-fondateur d’Agir pour la Paix (ex MIR-IRG). A cette occasion une exposition sera consacrée à l’objection de conscience( vernissage à 18.30) et mon film de 1998, « L’Objecteur », portrait de Jean Van Lierde sera projeté à 20.30

Voilà comment je présentais le film lors de sa sortie en 1998 :

Résistant contre le fascisme, militant pacifiste, combattant contre le colonialisme et pour la liberté des peuples opprimés, pourfendeur du capitalisme et du stalinisme : Jean Van Lierde était un OBJECTEUR au pied de la lettre… Il a épousé bien des causes militantes de cette seconde moitié du siècle et aussi leurs contradictions.

Objecteur de conscience d’abord : son action opiniâtre et trois séjours en prisons imposèrent un statut pour ceux qui refusaient de porter les armes. Mais aussi objecteur de tous les pouvoirs établis, Jean Van Lierde est un « chrétien libertaire » tout à la fois présent dans « son église » et imprégné des idées anarchistes.

Passeur de frontières pour les déserteurs français et les militants du FLN pendant la guerre d’Algérie, accompagnateur de tous les dirigeants congolais à la recherche de leur indépendance, compagnon de Patrice Lumumba, sans oublier le Vietnam, la Palestine et mille autres combats, Van Lierde remplit plusieurs vies de militantisme.

Passeurs des frontières idéologiques et philosophiques, il rassemble croyants et incroyants, il associe juifs, musulmans et chrétiens, il fait collaborer notables et révolutionnaires pour sauver un dissident ou un réfugié politique.
Son militantisme acharné ne l’empêchera pas de gérer avec rigueur spartiate et objectivité sévère ce qui sera d’abord une aventure et puis rapidement une autorité incontestée dans le monde socio-politique en Belgique: le CRISP ( Centre de Recherche et d’Information Socio-Politique). Il en sera le secrétaire général pendant 25 ans.

Jean Van Lierde avec Patrice Lumumba, juin 1960

Pour ce film, tourné en 1998, Jean Van Lierde, qui avait alors 72 ans, promenait sur ses archives et son histoire un regard serein, sans trop d’illusions mais avec la solide conviction d’avoir « fait ce qu’il fallait »…
Ce film lui a donné la parole pour tenter de restituer un parcours individuel et collectif.

« L’Objecteur » s’inscrivait dans une démarche documentaire qui tentait de film en film, par tranches de vie successives, de construire quelques aspects de la mémoire d’une époque. Celle de cette dernière moitié du XXe siècle marquée par l’affrontement des grandes idéologies et l’engagement des militants et des intellectuels.

Il ne s’agissait évidemment pas de « LA » mémoire d’une époque, mais de mémoires individuelles toujours plongées dans des aventures collectives.
Histoires de femmes et d’hommes qui chacun et chacune, à leur manière, ont choisi de se battre contre l’injustice, de résister à la loi du plus fort, qui ont décidé de mettre la solidarité avant toute chose. Histoires de femmes et d’homme qui refusent toujours le renoncement et qui assument avec plus ou moins de lucidité les contradictions que tout combat de ce genre comporte. Cette succession de biographies socio-politiques que j’ai entreprises depuis 1991 ne vise pas à nourrir une vision « objective » d’une (petite) part de l’histoire de notre communauté. J’avais délibérément choisi de m’attacher à des personnages peu connus de l’opinion publique la plus large mais qui chacun ont eu une influence sur les cours des idées ou des événements. Et qui tous à travers des parcours individuels « forts » renvoient à des mouvements collectifs même s’ils sont minoritaires.

« Le Front du Nord » – déjà cité- retrace l’histoire des Belges engagés aux côtés des militants de l’indépendance algérienne,
« 18-20, avenue de Stalingrad » évoque l’action de responsables communistes belges (Rosine Lewin, Marcel Levaux, Claude Renard) depuis la guerre jusqu’à la chute du mur de Berlin, « Le non-conformiste » dessine à travers la figure de Marcel Liebman la figure de l’intellectuel en politique, « O Belgio Mio » tente à travers deux destins individuels de cerner l’identité de la communauté italienne de Belgique.
Tous ces films sont fortement ancrés dans les réalités nationales ou régionales mais, il me semblait, que les personnages acquièrent toujours une dimension universelle par leur choix et leurs comportements de vie. C’est du moins comme cela que je les ai perçus.

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