C’était prévisible mais le choc n’en demeure pas moins fort. L’élection de Matteo Renzi à la tête du PD conclut un cycle. Elle met un point final à l’évolution d’un parti qui a désormais définitivement coupé toutes les racines avec ses origines. Héritier lointain et le plus souvent honteux du PCI, le PD passé par différentes appellations et mâtiné d’apports démocrates-chrétiens – PDS (Parti Démocratique de la Gauche), puis DS (Démocrates de Gauche) – avait déjà abandonné toute référence à la « gauche », il vient de se donner à un jeune secrétaire général dont les modèles sont Blair et Obama. En 2012, Eugenio Scalfari, le fondateur du quotidien La Repubblica, insoupçonnable de faiblesse gauchiste, qualifiait Renzi de « libéral modéré ».
A l’époque, Renzi, jeune et fringant maire de Florence qui se promettait « d’envoyer à la casse » les dirigeants du PD, était déjà candidat aux primaires de son parti. Scalfari notait alors qu’il avait « toutes les caractéristiques du libéral modéré et que s’il en devenait le chef, il changerait l’anthropologie du parti réformiste et de centre gauche et qu’il le déplacerait comme Craxi l’avait fait avec le PS », en rappelant que ces socialistes- là finirent avec Berlusconi. Cette fois, le fondateur de la Repubblica, en désaccord avec l’actionnaire principal (De Benedetti) et la rédaction en chef du journal avait annoncé qu’il ne voterait pas Renzi aux primaires du PD (ouvertes à tous les sympathisants, et ils furent près de trois millions, ce qui n’est évidemment pas sans signification) parce que , écrivait-il dans son éditorial du 10 novembre dernier, « ayant tout promis, son éventuelle réussite politique représente une imprévisible aventure et, en politique, les aventures peuvent bénéficier à l’aventurier mais quasi jamais au pays qu’il représente ».
Il faut donc prendre acte : Renzi a gagné haut la main (près de 70 % des suffrages exprimés dans ces incroyables primaires)[[Malgré le climat d’anti-politique exacerbé, trois millions de citoyens (!) font la file parfois pendant plusieurs heures pour désigner leur candidat. Certes, il y eut des manœuvres. Des interventions d’électeurs d’autres partis. Mais il n’empêche le phénomène mérite analyse.]] Il n’existe plus de parti de (centre) gauche en Italie, plus de traces de ce qui était un parti de masse et de militants, présent sur le territoire. C’est évidemment l’aboutissement d’un long processus dont Renzi n’est que l‘incarnation finale. Mais il laissera, sur la route, comme à chaque étape de sa mue idéologique, des milliers d’orphelins politiques. L’histoire de cette évolution est évidemment agitée et les responsabilités de la faillite partagées entre les nombreuses tendances issues de la gauche historique italienne. Matteo Renzi, lui, n’a rien à voir avec cette histoire. Issu d’une famille catholique, militant scout, ayant fait ses premières armes dans la vielle Démocratie Chrétienne, il s’est habilement et avec charisme inscrit dans le moule du PD largement majoritaire dans les terres toscanes. Il joue aujourd’hui sur le jeunisme et l’antipolitique, promettant la suppression du financement public des partis. Le PD adopte désormais avec lui la carte du « personnalisme ». Renzi est finalement le produit hybride de vingt ans de berlusconime et de ses avatars les plus divers, y compris Beppe Grillo. Comme parti, la gauche italienne n’existe plus….