Italie : la revanche posthume de Silvio Berlusconi

« Là-haut il est près de nous et il est heureux » : le sénateur Adriano Galliani de Forza Italia, compagnon de route du Cavaliere salue ainsi la paternité de ce dernier dans l’adoption du projet de réforme de la justice présenté par le gouvernement Meloni. Le ton était donné. Jeudi soir, après le vote par la Sénat [1]de ce projet qui menace l’indépendance de la justice, quelques sénateurs berlusconiens étaient descendus dans la rue pour clamer leur joie, tandis que sa fille Marina Berlusconi s’écriait « C’est la victoire de Papa ». Et elle évoquait « les souffrances que les magistrats lui avaient infligées ». Il est vrai que le rêve de Berlusconi était de museler ces juges qui avaient enquêté, instruit des dizaines de dossiers à son encontre et finalement condamné l’ancien président du Conseil pour fraude fiscale et malversation.

Giorgia Meloni a donc mené à bien cette réforme qui doit maintenant faire l’objet d’un référendum de confirmation  qui aura lieu au printemps prochain. Jusqu’à présent l’indépendance des magistrats était protégée par la Constitution de 1948[2] particulièrement progressiste et soucieuse d’établir des contre-pouvoirs. Les magistrats du siège qui jugent et les magistrats du parquet, les procureurs qui accusent, faisaient partie d’un seul et même corps et pouvaient dans leur carrière passer d’une compétence à l’autre. Mais le plus important est qu’ils dépendaient du Conseil Supérieur de la Magistrature, organe autonome et non pas du ministère de la Justice. C’est bien là l’enjeu fondamental de la réforme. La constitution de deux Conseils Supérieurs de la Magistrature et d’un Haut Conseil de discipline confirme la volonté de réduire l’indépendance des juges. Le débat parlementaire n’a apporté aucune modification au texte. Tous les amendements de l’opposition ont été rejetés sans exception.

Après le vote Giorgia Meloni a parlé de « journée historique ». Elle considère que les juges l’empêchent de gouverner et qu’ils « bloquent le pays ». Très clairement après les décisions de justice qui ont notamment mis en cause les conditions de détention des migrants dans le centre albanais créé pour externaliser les procédures d’asile ou le rapport de la Cour de Comptes qui vient de mettre à mal le projet pharaonique et délirant du pont sur le détroit de Messine, la cheffe de gouvernement règle ses comptes. Mais plus largement cette réforme s’inscrit dans les attaques du gouvernement contre la Constitution et sa volonté de renforcer l’Exécutif au détriment des autres pouvoirs. Meloni a toujours le projet de faire voter le « Premierato » qui consiste à faire élire le Premier ministre au suffrage universel, à offrir une très large majorité de sièges au parti arrivé en tête et à réduire l’influence du Président de la République (élu, lui, au suffrage indirect). Ce que Meloni appelle « la mère de toutes les réformes » aurait pour conséquence un renforcement non seulement de l’exécutif, mais aussi du pouvoir personnel. Une fois encore, autant d’éléments qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la constitution de 1948.

Reste que la réforme de la justice devra faire l’objet d’un référendum dont l’issue reste incertaine. La majorité comme l’opposition ont déclaré l’ouverture d’une campagne de signatures pour son organisation. Forte de sa popularité et de récentes victoires électorales régionales[3], Giorgia Meloni pourrait être tentée de jouer la carte du plébiscite, mais ce ne sera pas sans risque. Pour l’instant elle affirme plutôt que le référendum n’aura pas d’effets sur le gouvernement qui arrivera à la fin de la législature (2027). Mais une campagne référendaire peut réserver des surprises. Cela dépendra aussi naturellement de la capacité de l’opposition de centre-gauche à mobiliser un électorat qui aille au-delà de sa composition restreinte actuelle.

 

 

 

[1] la Chambre s’était déjà prononcée favorablement en janvier

[2] Une Constitution dont Giorgia Meloni refuse toujours le caractère anti-fasciste.

[3] Ces dernières semaines, la majorité a remporté les scrutins dans les Marches et la Calabre tandis que le centre-gauche gagnait en Toscane. Il reste trois consultations importantes qui auront lieu les 23 et 24 novembre en Vénétie, Campanie et dans les Pouilles.

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1 réponse à Italie : la revanche posthume de Silvio Berlusconi

  1. Meekel dit :

    du trumpisme a la botte 🥴

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