Rigueur, fiscalité, pension, croissance : un point de référence absolu, les marchés, nous disent les doctes spécialistes ès finances qui sont souvent liés aux banques et eux-mêmes impliqués dans les dits marchés. On vit de ce point de vue dans un cercle plus vicieux que vertueux. « Les marchés » : vous avez remarqué que nos spécialistes, et l’immense majorité des médias influencés par ceux-ci, parlent de ces marchés comme s’il s’agissait d’une sphère autonome, d’une entité anonyme et éthérée qui agirait indépendamment de toute autre structure de pouvoir qu’il soit financier, économique ou idéologique.
Or les marchés ont une identité : ce sont des hommes précisément liés à ces structures de pouvoir, des groupes internationaux, des opérateurs ou des directeurs de bourse qui, comme à Bruxelles, pèsent de tout leur poids pour empêcher toute régulation. Ce sont les acteurs et les bénéficiaires du capitalisme financier. Et quand on se demande s’ils sont devenus irrationnels en sanctionnant à la fois une rigueur qu’ils jugent insuffisante et le risque que celle-ci fait courir à la croissance, c’est-à-dire quand ils font tout et le contraire de tout, c’est tout simplement qu’ils n’ont pas encore décidé ce qui produira le maximum de profit immédiat. Dans le débat sur le financement des pensions qui agite ici, en France, le monde politique comme dans la polémique qui entoure chez nous la question de la fraude fiscale. La question est toujours la même : qui va payer le prix de la crise.
Les régimes d’austérité sans précédent déjà mis en place ou annoncés pèsent essentiellement sur les salariés qui ont déjà payé le renflouement de banques qui, elles, n’ont pas attendu pour renouer avec les profits. Et on peut deviner quelle sera la réaction des fameux marchés si des gouvernements s’enhardissaient à taxer les revenus du capital au niveau de ceux du travail. Cela dit, même si nous connaissons chez nous le poids du communautaire, n’est-ce pas la question fondamentale que nous, électeurs devrions poser prioritairement aux partis politiques d’ici le 13 juin : que ferez-vous demain pour établir un minimum d’égalité face à la crise ?