« La lutte contre la pandémie de grippe A ne pourra se résumer à une seule réponse technique agrémentée de choix individuels. Elle doit être une réponse collective. L’histoire a tranché. Une pandémie n’a jamais été vaincue par une seule riposte technico-médicale aussi fine soit-elle. C’est aussi la solidarité, l’aide, le souci de l’autre qui permettent d’éviter les emballements, les dérapages, les exclusions en tout genre » : ces quelques lignes sont extraites d’un appel lancé cette semaine en France par des médecins, des chercheurs, des politiques, des syndicalistes et des associatifs. Le texte, paru dans Libération, fait évidemment référence à la France mais ses réflexions dépassent les frontières et nous concernent aussi. Les signataires demandent en substance que la gestion de la pandémie ne soit pas limitée à des questions d’ordre public, d’hygiène ou de médecine. Il s’agit, nous disent-ils, de préserver la démocratie, – rien de moins- et que les pouvoirs publics ne prennent pas des décisions dans des petits cénacles fermés. « Le débat, ajoutent-ils, doit s’ouvrir sur les enjeux humains et sociétaux des stratégies de lutte contre la pandémie ».
On voit déjà que certaines décisions comme des fermetures intempestives d’écoles, des interdictions ou des obligations en tous genres peuvent non seulement provoquer la panique mais aussi porter atteinte aux libertés fondamentales. En France, toujours, le syndicat de la magistrature vient de dévoiler un plan gouvernemental qui envisage dans le secret de bouleverser les règles de fonctionnement de la justice en cas de pandémie. Ce plan prévoit entre autres l’installation d’un juge unique, le huis clos, la suspension des débats contradictoires et le prolongement des gardes à vue. On voit ici d’une manière caricaturale les risques anti démocratiques d’une certaine lutte contre la contagion… Mais le combat contre la pandémie pose aussi la question de l’égalité face à la maladie. Qu’il s’agisse de l’inégalité de traitement entre le Nord et le Sud ou chez nous de l’exposition plus grande des plus démunis. « Les pandémies ont toujours agi comme reflet des trous noirs d’une société » dit-encore ce texte.
Enfin il y a un autre aspect qui dépasse la question particulière de la grippe A mais que celle-ci illustre bien dans les commentaires qu’elle provoque : c’est notre volonté de sécurité absolue, le refus du moindre risque qui s’est instauré dans notre société. Le paradoxe est immense alors que l’insécurité sociale n’a jamais été aussi grande, la demande de sécurité est prise en compte mais dans tous les autres domaines. Mais ceci est une autre histoire…