Informer sur les médias (Carte blanche – suite)

A bien des titres les médias constituent un univers paradoxal mais il en est un qui est plus saisissant que les autres. C’est la difficulté, voire l’incapacité, des médias d’informer sur eux-mêmes. La transparence, la valeur la mieux vendue du moment, est une exigence absolue de la presse à l’égard des différents pouvoirs, même si elle s’applique surtout aux politiques mais en tous cas elle ne concerne pas les médias eux-mêmes. Là où à force d’investigations et d’analyses, l’on tente de décortiquer justement tous les éléments d’une crise ou d’un conflit, dès qu’il s’agit des médias au mieux la retenue s’installe, au pire le silence prévaut.

Ce qui vient de se produire à propos de la crise du « Vif » est particulièrement éclairant. Voilà 4 journalistes chevronnées et aux qualités professionnelles unanimement reconnues littéralement jetés à la porte du « Vif » sans justification et avec une brutalité inouïe. Et cela, après une longue suite de licenciements touchant depuis trois ans l’ossature même d’un hebdomadaire qui avait réussi a imposé une indépendance réelle tant à l’égard des ses actionnaires que des différents pouvoirs. Au-delà des personnes traitées indignement, on assiste bien à une normalisation de ce qui était jadis l’hebdomadaire de référence de notre Communauté.

Face à cette crise qui pose plus largement la question du rôle de la presse dans une démocratie et celle de l’évolution des lignes éditoriales, dans un premier temps les autres médias font preuve, disons, d’une discrétion certaine. Mardi les deux principaux quotidiens francophones « Le Soir » et « La Libre Belgique » commencent par refuser de publier une carte blanche consacrée à la « mise au pas » du Vif et signée notamment par l’Association des Journalistes Professionnels et par des professeurs d’université responsables des principales écoles de journalisme à Bruxelles et en Wallonie. Finalement La Libre publie le texte ce matin et Le Soir l’évoque sans le publier, tout en interrogeant deux de ses signataires. Mais il a fallu la circulation massive de ce texte sur internet et les nombreuses réactions qu’il a suscitées pour que la situation se débloque, partiellement. Tout cela indique combien il est difficile d’informer sur l’information…

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