Les nuages s’accumulent, le ciel s’assombrit encore un peu plus. L’Europe est à l’épreuve du respect de sa propre civilisation, de son humanisme fondateur, celui qui est né en 1945 de la victoire des démocraties sur le totalitarisme. Il ne s’agit rien de moins que de cela avec l’évolution des pratiques et des politiques à l’égard des sans papiers. Chaque jour, c’est un peu comme si l’Europe forteresse se cadenassait davantage.
Il y a la directive de la Commission européenne — la directive de la honte — prévoyant une détention jusqu’à 18 mois pour des personnes dont le seul crime est de vouloir vivre en Europe et instaurant une interdiction de séjour de 5 ans pour tout individu renvoyé hors des frontières. Une sorte de criminalisation des migrants dont on gère le flux par l’enfermement. Il y a, en Italie, la politique d’expulsion généralisée annoncée par Berlusconi en gage à ses alliés racistes de la Ligue du Nord. Déjà à Naples, cette semaine, des camps roms ont été attaqués à coup de barre de fer et de cocktails molotov. Et la prochaine présidence française de l’Union européenne annonce de nouveaux accents répressifs. Et puis, chez nous, le gouvernement refuse un moratoire sur les expulsions en attendant d’éclaircir ses propres critères de régularisation. Il y a aussi les pratiques quotidiennes. Les arrestations administratives de manifestants sans papiers dont certains ont été et sont encore enfermés. Des policiers qui traitent leur avocat de « crapule ».
Sans oublier dans la société dite civile l’attitude d’une compagnie comme SN Brussels qui se fait l’auxiliaire de la répression en plaçant sur une liste noire un passager qui s’est opposé à l’expulsion forcée d’un sans papier dans un avion de la compagnie. En comparaison du sort des sans papiers cette mesure pourrait presque paraître anodine. Elle ne l’est pas. Car elle témoigne d’un état de dégradation de l’éthique de la société. Quand les dirigeants d’une entreprise comme SN Brussels prennent de telle mesure pour punir ou intimider les passagers qui s’insurgent contre des traitements inhumains et dégradants dont on sait qu’ils ont pu conduire à la mort, ils ne sont plus seulement les collaborateurs passifs d’une politique répressive. Ils l’intègrent complètement quand ils ne l’anticipent pas. De quel droit et avec quelle légitimité? Il est vrai qu’en France, les compagnies aériennes accordent des «miles» aux policiers qui escortent les expulsés. A quand une carte « Privilège » pour nos gendarmes.