Chaque scrutin le confirme: on assiste à une droitisation de la société européenne. La victoire d’un ancien fasciste à la mairie Rome et celle d’un conservateur radical à celle de Londres en sont les témoignages les plus récents. À l’exception de l’Espagne et régionalement de l’Allemagne, toutes les élections de cette dernière année ont confirmé cette tendance lourde. Et, comme le notait récemment dans Le Monde le politologue Dominique Regnié, ce phénomène témoigne d’un mouvement profond au sein des sociétés européennes vieillissantes et inquiètes.
Il ne s’agit pas seulement d’un retour de balancier comme la conjoncture politique en connait régulièrement. Les droites européennes gagnent sur un programme radical. Elles s’assument désormais sans complexe, revendiquant leur discours idéologique, à l’image d’un Berlusconi ou d’un Sarkozy. Et ces victoires se déroulent quelque soit le contexte économique. Dérégulation massive dans un cas, discours identitaire et sécuritaire dans l’autre. À l’image des récentes élections italiennes, la gauche semble incapable de répondre à cette suprématie installée dans un cycle long qui remonte à la chute du mur de Berlin. La gauche de gouvernement ne convainc plus en se présentant comme un rempart visant à limiter les dégâts des politiques inégalitaires. Chez nous le 1er mai, les dirigeants syndicaux ont rappelé au PS que le slogan « sans nous ce serait pire » n’était plus crédible. Et la gauche radicale, souvent déchirée dans des conflits de personnes ou de petits appareils, ne parvient pas à émerger d’une posture incantatoire. En Italie elle a d’ailleurs été purement et simplement effacée de la carte parlementaire. Et en France, l’impressionnante chute de popularité de Nicolas Sarkozy ne provoque en rien une adhésion à une gauche en déshérence.
La question posée par cette droitisation en profondeur est autant de nature idéologique et culturelle que politique. Ce n’est pas seulement la représentation politique qui s’est modifiée, mais aussi les valeurs dominantes de la société qui ont évolué. À la recherche de son identité, la gauche européenne ne peut se contenter d’un repli frileux en attendant des temps meilleurs, ni se réfugier dans un discours de seule résistance. L’analyse, la réflexion et le débat sans tabou sont, pour elle, la condition première d’une refondation qui nécessite une remise en question dont ne saurait encore mesurer l’ampleur.