La gauche française va-t-elle une fois encore succomber à un de ses travers favoris : enclencher la machine à perdre, cette machine infernale qui enraie une victoire qui lui est sinon promise en tous cas ouverte. Il est trop tôt pour l’affirmer et rien n’est inéluctable. Mais il vrai que depuis sa victoire aux primaires, la candidature de François Hollande semble patiner. Positionnement en porte à faux sur l’international, son point faible, quelques erreurs d’appréciation sur les priorités à défendre ou sur leur chiffrage mais tout cela peut se corriger. La campagne ne fait que commencer et le candidat socialiste doit encore peaufiner son habit de présidentiable. Le plus dur vient de la gauche elle-même. Pas encore du PS qui jusqu’ici fait bloc autour de son candidat. Mais plutôt des alliés réels ou potentiels.
Les négociations calamiteuses entre le PS et les Ecologistes, notamment sur le nucléaire, ont entamé la crédibilité des deux organisations. Et l’attitude à la fois agressive et irrésolue de la candidate Eva Joly fait craindre le pire, d’abord pour elle-même mais aussi sur la solidité du principal allié du PS. Mélenchon qui peine à exister alors qu’un espace politique lui est ouvert sacrifie à des invectives peu encourageantes pour la suite des relations entre les deux gauches. François Hollande est aussi face à des problèmes dont la maîtrise ne dépend que de lui. Ils sont nombreux mais deux d’entre eux dominent. Tout d’abord ne pas se tromper de campagne, comme l’avait fait Lionel Jospin en 2002. Au premier tour, comme le veut l’esprit même de l’élection présidentielle, François Hollande doit rassembler la grande partie possible de la gauche même s’il a des concurrents qui sont aussi de futurs alliés et qu’il ne peut abuser de l’argument du vote utile.
Poser maintenant la question de l’entrée possible de François Bayrou dans la majorité présidentielle au second tour, comme il vient de le faire, ne va pas dans ce sens. En même temps, et c’est dans doute la condition de la victoire, la priorité pour le candidat socialiste est de reconquérir l’électorat populaire qui s’est replié massivement chez Marine Le Pen et est toujours plus présent auprès de Sarkozy. Se marquer plus à gauche et être crédible dans le contexte de la crise, voilà le vrai défi pour François Hollande. Pas simple ! D’autant qu’en même temps, il doit répondre à une offensive virulente d’une droite qui semble toujours considérer que décidément elle est la seule à avoir la légitimité pour exercer le pouvoir.