On pouvait penser que la révolution tunisienne allait servir de leçon à la diplomatie française et européenne. Il n’en est rien : on le voit encore aujourd’hui avec ce qui se déroule en Libye. La France d’abord, avec un bref retour par la Tunisie où un nouvel et jeune ambassadeur rouleur de mécanique fait un malheur sur internet où on peut le voir traiter les questions des journalistes tunisiens de « débiles ». Excuses obligées et peu glorieuses mais il y avait sans doute mieux à faire pour rattraper les dégâts d’une ministre des affaires étrangères empêtrée dans ses complicités avec le régime Ben Ali. Hier, après bien des hésitations, la France a demandé des sanctions contre Kadhafi dont la tente était encore, il y a peu, plantée dans les jardins de l’Elysée.
Plantu dans Le Monde du 15/02/2011
Mais bien plus largement, c’est toute la politique étrangère de Paris qui en crise. Jamais sans doute depuis les débuts de la Ve République la voix de la France n’a été aussi inaudible et peu crédible dans le monde. Dans une tribune publiée par Le Monde et sous couvert d’un pseudonyme collectif, des diplomates français ont dressé un véritable réquisitoire contre la politique étrangère de Nicolas Sarkozy, une politique disent-ils « placée sous le signe de l’improvisation et d’impulsions successives qui s’expliquent souvent par des considérations de politique intérieure ». Du jamais lu sous la plume généralement prudente des locataires du Quai d’Orsay. La politique de la France, commente un diplomate, est placée sous le signe du statu quo au nom de l’antiterrorisme, de l’anti-islamisme et de l’anti-immigration.
Celle de l’Europe repose sur les mêmes critères.La situation est extrêmement fragile, disait lundi le secrétaire d’état allemand aux affaires étrangères. L’Europe doit assurer sa contribution à la stabilisation, ajoutait-il, résumant bien la politique de l’Union. Cela veut quoi exactement « contribuer à la stabilisation » quand un dictateur massacre son propre peuple ? Quant à la fantomatique Catherine Ashton, elle appelait hier les Libyens à la retenue, dénonçant les violences sans distinguer le moins du monde la répression du régime des manifestations populaires. On atteint là les limites de la honte. Les Européens se sont bousculés en Libye pour vendre leurs armes, la Belgique en tête et ils ont fait sans vergogne de Kadhafi le super gendarme contre l’immigration clandestine. Les relations internationales ont toujours été peu ou prou le produit d’une « real politik » mais comment croire encore un instant aux soi-disant valeurs d’une Union Européenne championne d’un cynisme sans borne.