La hargne et la haine, le fiel et le mensonge, l’insulte et l’invective : hier soir le visage de l’extrême-droite se recomposait en un rictus macabre. On l’a entendue mille fois, dans les réunions ou à la télévision : on sait à qui on a affaire. Mais hier, la candidate qui avait retrouvé le ton et les mots de l’extrême-droite des années 30 faisait froid dans le dos. La proximité de l’échéance, le décor solennel du débat final : il s’est passé quelque chose qui dépasse notre entendement intellectuel du cadre politique. Tout à coup, physiquement, viscéralement, on ressentait ce que pouvait représenter l’accession de cette extrême droite à la présidence de la république.
Les commentaires du lendemain avaient beau unanimement dénoncer le comportement de la candidate, les sondages nous dire qu’elle serait battue, on se disait que décidément il ne fallait pas prendre le moindre risque. Alors en prenant en considération le succès probable et compréhensible du cumul des votes blanc et nuls et de l’abstention, pour battre Le Pen et réduire au maximum sa capacité de nuisance lors de législatives, on ne pouvait que confirmer l’obligation incontournable du vote Macron. Il n’y a pas d’autre certitude pour éviter un cauchemar dont on semble parfois sous-estimer l’ampleur. Il faut redonner aux mots leur sens.
Certes, le candidat du néo-libéralisme n’a pas aidé à la manœuvre depuis le lendemain du 1er tour. Sans doute ne pouvait-il modifier son programme mais au moins prendre conscience qu’il est un candidat et donc un futur président par défaut. Cela suppose un autre discours. Le 1er mai, pour la première fois, Emmanuel Macron avait prononcé sans ambages cette phrase qui aurait dû être au cœur de sa campagne de second tour : « «Nous avons cette responsabilité qui nous dépasse, celle de protéger le cadre de nos désaccords respectueux. Je me bats aujourd’hui pour que vous puissiez démocratiquement exprimer vos désaccords. Mon combat rendra possible votre combat.» Pour ne pas l’avoir suffisamment fait, Macron a lui-même alimenté le « ni-ni ». Il l’a répété hier mais tardivement et dans une confrontation inaudible. A un peu plus de 48 heures de l’ouverture des bureaux de vote, cet argument de la protection du cadre démocratique est essentiel.
L’énorme confusion alimentée par la colère et parfois l’ignorance est lourde de risques. La violence extrême du débat du 3 mai restera dans les annales. Le projet néo/ultra/social libéral doit être combattu frontalement dès à présent. Mais on ne peut pas, si on a assisté au débat du 3 mai, le confondre avec ce discours haineux, miroir grimaçant d’une idéologie fasciste rampante et ressuscitée.