Il faut encore revenir sur la crise irlandaise car elle illustre au mieux l’état du capitalisme financier qui nous gouverne. Suite à cette crise, un nouveau débat agite les spécialistes. Faut-il ou non restructurer la dette publique des états en crise financière ? Autrement dit, faut-il annoncer à sa sainteté le marché qu’une partie seulement de la dette publique sera remboursée ? Faut-il, pour être encore plus carré, organiser la faillite de l’un ou l’autre état de la zone euro? A noter que ce serait la première fois que la question se pose pour un état industrialisé depuis 1950.
Pour les partisans de cette restructuration, il s’agit de mettre le privé à contribution et d’obliger ceux qui achètent et spéculent sur la dette publique d’intégrer le risque de la perte. Les marchés seront plus prudents dans l’octroi de crédits, prétendent-ils. Face à cette menace, les marchés seront trop prudents, les économies les plus faibles ne trouveront plus de capitaux et les politiques d’austérité s’inscriront dans la durée, rétorquent les adversaires de la restructuration. Pour rappel, l’Union Européenne a décidé que des restructurations seront possibles à partir de 2013 mais au cas par cas. Le débat est complexe mais aucune des réponses apportées ne résout la question centrale : la toute puissance des marchés qui tranchent dans tous les cas de figure.
On vit un paradoxe énorme: dans un grand nombre de cas, la dette publique n’est jamais qu’une dette privée creusée par les banques et prise en charge par les États avec l’argent des contribuables qui sont ensuite victimes de l’austérité. Nous vivons en quelque sorte sous le régime de la double peine financière pour le plus grand profit des marchés. Car il faut rappeler encore une fois que la dette de l’Irlande ou de l’Espagne ne sont pas due à l’excès des dépenses publiques mais bien aux folies financières des secteurs bancaire et immobilier, les premières autorisant les secondes. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas le secteur public mais le secteur privé qui a perdu la tête. Avant les faillites bancaires, l’Irlande ne connaissait pas de difficultés budgétaires, elle était même considérée comme le bon élève de l’Union en la matière. Tant que ces concepts ne seront pas remis en cause, la dictature du capitalisme financier continuera de provoquer le chaos économique dans une logique de plus en plus destructrice.