Mardi prochain, le sort du berlusconisme sera en jeu. Ce jour-là on votera au parlement italien sur deux motions de censure présentées par l’opposition : l’une par le centre-gauche du Parti Démocratique, l’autre par la droite et le centre droite regroupés autour de Gianfranco Fini, l’ancien allié de Berlusconi dont la rupture avec ce dernier a précipité la crise actuelle. Arithmétiquement le gouvernement du Cavaliere peut être renversé. Politiquement la chose et plus complexe en raison des manœuvres de dernière minute et le rôle de francs-tireurs que pourrait encore circonvenir le premier ministre, spécialiste en la matière.
photo HLP-2008
Si le gouvernement est mis en échec, plusieurs hypothèses se présenteront : gouvernement minoritaire avec ou sans Berlusconi, équipe technique de transition, majorité alternative regroupant toute l’opposition (c’est la plus improbable), ou élections anticipées mais qui n’enthousiasment personne en dehors de la Ligue du Nord, forte de sa progression constante. Et l’issue d’un tel scrutin serait des plus incertains car même s’il est en crise profonde le berlusconisme n’a peut-être pas dit son dernier mot, tant il a imprégné la société italienne depuis près de 20 ans. D’autant que face à un centre en gauche en panne de leader et de projets et une droite légaliste encore en formation, il n’a pas en face de lui une alternative crédible. Cela dit, le 14 décembre, au parlement italien, on assistera de toute manière à un tournant qui marquera la fin d’une suprématie absolue de l’anomalie démocratique que représente Berlusconi et ses conflits d’intérêts. Le berlusconisme en sortira de toute manière affaibli. Il est déjà en crise dans une société dont il a pourtant parfaitement interprété les changements des décennies 80 et 90. Même si l’entrée en politique de Berlusconi répondait d’abord à la nécessité d’une protection juridique personnelle face aux affaires, il a su à la fois remplir le vide crée par la disparition des partis traditionnels, répondre à la montée en puissance des petits entrepreneurs du Nord et incarné la formation d’un nouveau capitalisme basé sur la communication, la finance et les assurances. Tout cela allait bien au-delà de la seule puissance des télévisions berlusconiennes.
Berlusconi avait réussi a incarné le rêve italien d’un ultralibéralisme américanisé. Aujourd’hui face à ses échecs, ses frasques et la crise qui nécessite une protection collective, le rêve fait place au désenchantement. Le corps même du Roi, lui si attentif à sa restauration permanente, semble se craqueler. On le dirait presque déjà embaumé. Il suffit d’en regarder les images d’hier et d’aujourd’hui : le miroir est cruel pour celui qui s’y voyait si beau. Mais attention, l’Italie berlusconienne vit aujourd’hui la définition même de la crise telle que la définissait Gramsci : cet état particulier lorsque le vieux refuse de mourir et le nouveau peine à naître.