Berlusconi : les paradoxes de la chute

Le 8 novembre 2011 restera, en Italie, comme la date marquant la fin d’un cycle politique long de 17 ans. 17 ans de règne durant lesquels Silvio Berlusconi réussit à garder l’essentiel du pouvoir même quand il n’était pas au gouvernement, tant il avait imprégné la société italienne de son empreinte idéologique qui, d’ailleurs, ne s’évanouira pas sans mal même lorsqu’il se sera effectivement retiré. On reviendra sur les suites de la crise et notamment le dernier coup politique du Cavaliere qui conditionne sa démission à l’approbation par l’opposition des mesures d’austérité, mettant du même coup le centre-gauche dans un embarras certain. Dernier coup tordu qui plonge l’Italie dans une incertitude encore plus dramatique.


«Il démissionne dans une semaine ! Heureusement s’il avait démissionné tout de suite, j »aurais fait un infar à cause de ce trop grand bonheur !»
Staino, dans L’Unita du 08/11/2011.

Ce qui frappe dans la chute de la maison Berlusconi, ce sont les paradoxes qui l’ont guidée. Silvio Berlusconi a toujours placé ses gouvernements sous le signe « d’il fare » – du « faire » comme il aimait à dire ou du « Buongoverno » – du bon gouvernement – ou encore de l’entreprise au pouvoir. Il a tout à la fois vendu, avec succès, un rêve américain habillé aux couleurs latines et organisé la dérégulation généralisée de la politique par l’antipolitique. Mais voilà Berlusconi poussé vers la sortie non par le peuple italien ou le centre-gauche mais par ceux qu’il vénère le plus et sous la protection desquels il avait placé son action : les marchés !
Tels ces fils de la révolution dévorés par leur propre action, Berlusconi aura été défait par l’incarnation supérieure de son idéologie. Il faut dire qu’ à force d’affaires en tous genres, il y avait mis du sien pour détruire une crédibilité déjà largement entamée.

En réponse à des attaques dans la presse, Berlusconi avait dit un jour qu’il ne pouvait supporter que l’on s’en prenne « à ce qu’il avait de plus précieux, son image ». C’est l’autre paradoxe de sa fin politique : la télévision, ses propres télévisions grâce auxquelles il a largement dominé la scène politique ont délivré des images qui ont achevé de le détruire. Barbara Spinelli le rappelait hier dans La Repubblica. Le sourire silencieux de Merkel et Sarkozy quand on les interrogeait sur la fiabilité de l’Italie ou la réplique du Cavaliere expliquant devant un aréopage européen sidéré qu’il n’y avait pas réellement de crise en Italie « puisque les restaurants étaient pleins », ces images là ont été assassines.

Cela dit, au-delà du cas italien à propos duquel il reste beaucoup d’incertitudes et bien des choses à analyser, il faut bien constater que ce sont désormais les marchés qui font et défont les gouvernements imposant des politiques qui défient la raison économique.
A force d’avoir refusé de les réguler, à défaut de les museler, l’Europe a désormais livré le pouvoir politique aux marchés qui ne sont pas près de s’en défaire.

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