« Les syndicats ont rouspété, le FEB aussi. On se dit que quand les deux rouspètent, c’est bon… »
Elio Di Rupo, Ministre Président — socialiste — de la Région wallonne, Président pendant 20 ans du PS (1999-2019) à propos de l’accord gouvernemental sur la nouvelle flexibilité du travail[1].
Outre qu’ils ne reflètent pas la réalité (alors que le patronat se frotte ouvertement les mains, la FGTB, par la voix de Thierry Bodson, parle de « coup de couteau assassin »[2]), ces propos auraient pu être tenus par n’importe quel dirigeant de centre-droit[3]. À mi-chemin entre les syndicats et le patronat : voilà désormais le discours et la ligne politique du PS qui témoignent de la dégénérescence idéologique d’un social-libéralisme privé de tout repère.
Il ne faut pas se leurrer, ce que Di Rupo présente comme « une conquête »[4] est une des plus grandes défaites de la gauche depuis des décennies. La nouvelle flexibilité du travail adoptée par la Vivaldi – 4 jours par semaine avec des journées jusqu’à 9 h 30 — est la condamnation définitive de la journée des 8 heures, la mère des conquêtes du mouvement ouvrier. Un principe jusqu’ici intangible qui permettait encore de limiter les dérives de l’ultralibéralisme. Le PS a ouvert la voie à tous les dérèglements. C’est là le plus beau cadeau offert au patronat. Le PS et Ecolo qui sont dans le même bateau en perdition (dont ils seront les premières victimes électorales) ont donc abandonné en rase campagne la revendication phare de la réduction collective et du partage du temps de travail.[5] On ne comprend même pas l’absence de réflexion de ces partis « progressistes » sur ce que cela représente en termes de perte d’identité pour eux et de désarroi qu’ils provoquent chez ceux qui leur avaient encore accordé leur confiance. De plus, ils alimentent ainsi le rejet de la politique.
N’oublions pas que la séquence Di Rupo avait été précédée par la séquence Magnette. Pour rappel, le successeur de Di Rupo, adepte averti du second degré, s’était prononcé pour l’interdiction de l’e-commerce alors que le parti qu’il préside s’était battu bec et ongles pour obtenir l’installation d’Ali Baba à Liège. Nous n’avions rien compris : Magnette faisait de l’humour. Mais les nouvelles normes en matière de flexibilité auxquelles il a ensuite paradoxalement souscrit sont tous sauf une comédie.
[1] Le Soir du 19 février 2022
[2] Mais d’autres représentants syndicaux et de mouvements associatifs dont la Ligue des Familles s’y’opposent également.
[3] Il faut rappeler que dans les années 90, Elio Di Rupo, salué par toute la droite pour son « courage », privatisait allègrement au nom de la « consolidation stratégique »
[4] A noter, tout de même, que c’est le seul dirigeant socialiste à avoir osé utiliser cette expression.
[5] Voir à ce sujet l’éditorial de Pascal Lorent dans le Soir (peu suspect de complaisance avec les syndicats) du 16/02/22 : « Marché du travail : un accord plus difficile à digérer à gauche »
L art de vendre son âme au diable au nom de la flexibilité retour au 19 ème siècle
En rappel de lectures intéressantes et instructives (« Alinéa 3 » et « Privé de public » de Gérard de Sélys), il faut se souvenir, entre autres, sous l’insistance de Elio di Rupo, de la transformation du Service Public RTT en « entreprise publique autonome » Belgacom et l’apparition des « Top Managers » venant du « privé » pour gérer une entreprise public AVEC un salaire du privé …
De plus, il y a également toute la partie « mœurs » avec « blocage de poursuites » ..
Et ce sera le même Elio Di Rupo qui ne comprendra pas (ou fera mine de ne pas comprendre) la fuite des électeurs du PS vers le PTB …
Merci pour cet article !
Très bon « billet d’humeur » ! Le PS se plaindra ensuite d’être injustement critiqué par le PTB…
Comme autre grand fait d’armes gouvernemental du PS, j’ajouterai à ce qui a déjà été évoqué, la réforme Copernic de « modernisation de l’administration fédérale », lancée en 1999-2000 (gouvernement Verhofstadt) par les « camarades » du SP (sous l’impulsion de Luc Vandenbossche), sous le mot d’ordre « le management prime le droit ». Ladite réforme, concoctée avec des consultants privés grassement payés (Price Waterhouse Coopers) a délabré durablement le service public fédéral.
Elio Di Rupo est fidèle … à sa première interview dans le « Pourquoi Pas ? » des années 80: « Je suis le plus libéral des socialistes ou le plus socialiste des libéraux ».
Oui, et le lendemain on apprenait que le Roi recevait le dictateur al-Sissi, à sa demande et avec l’accord du gouvernement. Au temps de la loi belge de compétence universelle, qui fit tellement honneur à la réputation de notre pays, le dictateur al-Sissi aurait été arrêté dès sa descente d’avion à Zaventem, comme n’importe quel autre terroriste. Aujourd’hui, un terroriste est reçu au Palais royal. Quel chemin accompli depuis l’abolition de notre loi en 2003. On n’arrête pas le progrès…
Deux coups de massue en deux jours ! Et on s’étonnera de ce que de plus en plus de belges, et en particulier de jeunes, aient des pensées suicidaires.