Fausses victoires, fausses défaites et décryptage complexe : la plupart des observateurs s’accordent au moins sur ce constat au lendemain de ce deuxième tour des régionales. « Sursaut » ou « Sursis » républicain, chacun (sauf à droite, à l’exception notable de Xavier Bertrand) souligne et salue l’abnégation des électeurs de gauche qui ont fait barrage au FN. Mais au-delà de cette incontestable mobilisation qui a permis le « Grand soulagement », une fois rappelé la timidité de la vague bleue et l’inespérée résistance socialiste (en termes de régions sauvegardées), il faut encore et toujours en revenir aux résultats du FN et au rapport de force politique global. Si le FN n’arrive toujours pas à concrétiser institutionnellement ses succès électoraux, il établit un niveau record en termes de voix (6.820.000 !), il confirme qu’il est aujourd’hui la principale force d’opposition et surtout qu’il est en mesure d’imposer les thèmes d’une campagne (immigration, insécurité) et plus largement du débat politique, contaminant la droite mais aussi une partie de la gauche. Cette hégémonie culturelle et idéologique lui permet encore d’influer sur la recomposition politique qui se dessine à droite comme à gauche, notamment en vue de la présidentielle de 2017.
Nicolas Sarkozy semble provisoirement en position de maintenir la droitisation extrême des Républicains. Comme le confirme l’éviction de Nathalie Kosciusko-Morizet de la nouvelle direction qui sera annoncée en janvier. NKM avait été l’une des seules à critiquer avec force la stratégie du « ni ni » chère à l’ancien chef de l’état. Même en demi-teintes, les résultats de dimanche permettent à Sarkozy de contenir ses rivaux et les critiques internes très virulentes durant l’entre-deux tours. En tous cas, le maintien de cette ligne ravit le FN qu’elle légitime chaque fois un peu plus auprès des électeurs d’une droite « décomplexée ».
A gauche, ce n’est guère mieux : très clairement, Manuel Valls et ses lieutenants poursuivent l’offensive en faveur d’une recomposition « élargie » vers le centre et une partie de la droite. Hier soir, Jean Marie Leguen évoquait favorablement, à son tour, l’hypothèse de l’abandon des mots « parti » et « socialiste ». La perspective d’un parti centriste à la Renzi achèverait de couper le « futur ex PS » de ses racines populaires, offrant un nouveau boulevard au FN. De son côté, François Hollande tentera de se (re) composer une tentative de schéma majoritaire pour 2017. Rude tâche ! Les Verts et la gauche de la gauche sont aujourd’hui électoralement « déshabillés ». Ici aussi tout est à réinventer. Dans son ensemble, la gauche socialiste n’a jamais été aussi affaiblie et désorientée depuis les années 70, quand s’éteignait péniblement la SFIO (mais alors vivait un PCF qui représentait encore, à lui seul, 20 % de l’électorat !). Au-delà des discours convenus sur la rénovation de la politique, il va falloir repartir de très loin sur les valeurs, les programmes, les organisations et les hommes qui les incarneront. Dans un contexte où l’addition de la droite et de l’extrême droite représente plus de 60 % des électeurs, la tâche est immense.