La France, ce vieux pays de droite

« La France, ce vieux pays de droite » aimait à dire François Mitterrand qui savait de quoi il parlait. Ses racines barrésiennes, vichyssoises et coloniales remontent régulièrement à la surface au rythme du temps. Dans l’histoire de la République, la gauche n’est qu’ « épisodique ». Et même quand elle détient tous les leviers du pouvoir politique (municipal, régional, parlementaire et présidentiel), comme ce fut le cas au lendemain de l’élection de François Hollande en 2012, elle n’affirme pas son hégémonie culturelle et idéologique. Il est vrai que c’est François Hollande lui-même qui, une fois élu, tourna le dos à son propre credo de campagne –« mon ennemi, c’est la finance – pour adopter et même aggraver les politiques d’austérité, imposer les « réformes anti-tabous» du libéralisme et mener une politique internationale bushienne. Et si l’on replace la situation française dans le contexte européen où le concert des gouvernements et de la commission ont tout fait pour empêcher et punir les alternatives politique de gauche, comme en Grèce,[[ Lire à ce sujet la Carte Blanche de David Pestieau sur le site du Vif de cette semaine : http://www.levif.be/actualite/international/union-europeenne-ceux-qui-ont-ecrase-les-grecs-ont-fraye-la-voie-au-fn/article-opinion-440149.html?utm_source=ptb2015-12]] on dispose de quelques éléments pour comprendre le champ de ruine politique qu’est aujourd’hui l’Hexagone.

Le choc du 21 avril 2002, quand Lionel Jospin fut éjecté du second tour de la présidentielle par Jean-Marie Le Pen n’a pas servi de leçon. En 13 ans, aucune véritable réflexion n’a permis à la gauche de bâtir une stratégie pour affronter les problèmes de fond posés par l’irrésistible ascension du FN. La question sociale désertée est devenue l’impensé de la gauche. Le FN s’en est emparé en la colorant de racisme et de xénophobie. Et, il y a fort à parier que dimanche soir, si le PS parvient à conserver 3 ou 4 régions, il ne retiendra que cette « divine surprise » face au désastre annoncé. La campagne s’est terminée dans une ambiance délétère marquée par les insultes et les coups bas (notamment en Ile de France) peu propices à redorer le blason des « politiques » et à mobiliser les abstentionnistes. En tout état de cause, quel que soit le résultat du second tour, et même si le FN ne remporte aucune région, c’est bien lui qui sera le vainqueur de ces régionales. Autant par le nombre de suffrages rassemblés sur ses listes (plus de 6 millions) que par sa capacité à imposer sa marque idéologique dans l’opinion, populaire notamment. Faut-il rappeler ce seul résultat du premier tour : dans la petite ville de Liévin (31.000 habitants), dans le Nord, bastion socialiste, là où les derniers mineurs exercèrent leur métier, le FN a fait 48,3 % contre 26,14 au PS. Et cela, alors qu’il y a dix-huit mois à peine, le PS y gagnait encore les municipales avec 55 % de suffrages contre 27 au FN. Il y a dans ces chiffres toute la désespérance ouvrière.

Les interrogations planent encore sur la mobilisation des électeurs et sur la capacité du « réflexe républicain » (il faut en être doté pour voter en PACA en faveur du « résistant » Estrosi…) mais déjà les élites politiques sont plongées dans le coup suivant, celui des présidentielles de 2017 et de la recomposition politique à gauche comme à droite. François Hollande est « hors sol » : le Père de la Nation, Chef de guerre et gardien de la sécurité est resté silencieux, tout en observant avec gourmandise le « nettoyage » électoral à gauche. L’affaiblissement des Verts et la quasi disparition de la gauche radicale le placent en position incontournable pour 2017. Dans l’opposition, la stratégie ultra-droitière d’un Nicolas Sarkozy à la remorque du FN est contestée. Les couteaux sont tirés et les règlements de compte commenceront dès la soirée électorale sur les plateaux de télévision. Mais, au-delà même des résultats, les tergiversations de la gauche et les affrontements de la droite risquent surtout d’offrir, une fois encore, au FN l’occasion de se présenter comme la seule force d’alternative face à la carence dramatique des partis de gouvernement. En tous cas, les lendemains ne chanteront pas…

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