Elle était la voix française – et anglaise – de Nanni Moretti. Romancière et traductrice, elle était la meilleure interprète des humeurs et des accents morettiens. Silvia Bonucci est morte, jeudi dernier, le 28 mai, dans un accident de voiture à Piombino alors qu’elle se rendait dans sa Maremma, sa Toscane d’élection. Elle avait 51 ans et une ironie tendre et pétillante.
Sur les plateaux et dans les festivals (encore à Cannes, il y a quelques jours), Silvia Bonucci avait un statut aussi indéfinissable qu’essentiel auprès du réalisateur de « Caro Diario ». Traductrice, proche collaboratrice, actrice occasionnelle, subtile ambassadrice, inspiratrice discrète, Silvia occupait une place à part dans l’univers morettien qui évidemment ne résumait pas sa vie. Elle avait publié trois romans dont le très beau « Voci d’un tempo » traduit en français par François Maspéro sous le titre « Retours à Trieste » (Seuil, 2007). Intellectuelle engagée, elle avait initié en 2002 (toujours avec Moretti), le mouvement des « Girotondi » (les farandoles autour des bâtiments publics) qui luttait contre les lois anticonstitutionnelles de Silvio Berlusconi. Toujours, Silvia a été une voix critique vis-à-vis d’un centre gauche démissionnaire mais sans jamais accepter l’antipolitique exacerbé de certains de ses amis.
Je l’avais rencontrée en 2003 dans l’exercice de ses fonctions : elle assurait la traduction de l’entretien que je réalisais avec Nanni Moretti sur la scène du Palais (encore) des Beaux-Arts à Bruxelles. Elle le rendit possible… et même chaleureux (ce qui n’était pas gagné d’avance). Ensuite, elle assura la traduction des dialogues et du texte de mon film « Il Fare Politica » restituant avec rigueur et chaleur les paroles de ces militants communistes toscans qui étaient aussi sa famille nostalgique. Sa vie s’est arrêtée dans un choc frontal à Piombino, comme dans un film tragique et cruel.