19 mars 2012,
Le jour de gloire est arrivé… pour Jean Luc Mélenchon ! Pari gagné pour le Front de Gauche : en rangs serrés, ses troupes – plusieurs dizaines de milliers de partisans – ont repris la Bastille. La gauche de la gauche est bel et bien sortie de son ghetto. Elle a fait le plein d’énergie et d’enthousiasme pour affronter la fin de la campagne et concrétiser les promesses des sondages. Et Mélenchon – l’orateur – a offert son plein de symboles dans un modèle de discours républicain-de-gauche. Liberté, Egalité, Fraternité à tous les étages d’une parole portée par des envolées aux intonations gaulliennes dans la voix et aux formules mitterrandiennes dans l’art oratoire.
Plus solennel qu’agressif, parfois même grandiloquent, Mélenchon était dans un registre différent de ses interventions habituelles. Il ne s’agissait pas ici de taper avec une joie féroce sur Marine Le Pen et le Front national ou d’ironiser avec une délectation cruelle sur François Hollande, deux exercices où il excelle pour le meilleur et pour le pire.
Non, cette fois, la hauteur prise était à la mesure de la promesse d’une nouvelle République. Et la péroraison signait le sens d’une candidature : « l’insurrection civique » pour une révolution citoyenne par les urnes. Cette insurrection qui figure au fronton de la Constitution de 1793 et que citera Mélenchon pour clôturer sa harangue au pied de la Bastille : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple (…) le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». Du bel art que l’on aimerait entendre plus souvent en campagne.
Ce n’était sans doute pas l’objet du rendez-vous mais il ne fut pas question des alternatives proposées par le Front de Gauche, ni de la stratégie pour que la gauche gagne contre Sarkozy. Il en sera à nouveau question plus tard, la campagne est encore longue et Mélenchon a fixé deux autres grands rendez-vous où le peuple de gauche est invité à reprendre les places de France : Toulouse, le 5 avril et Marseille, le 14 avril. L’exubérance militante du Sud, d’est en ouest, contribuera à « remettre le rouge à la mode » comme y invite son nouveau et désormais incontestable leader charismatique.
Pierre Laurent, le dirigeant national du PCF, avec l’ enthousiasme débordant dont peut faire preuve cet homme discret, affirmait dimanche soir que « le centre de gravité de la campagne venait de se déplacer ».
Et il est exact que François Hollande ne peut rester inerte face au dynamisme de cette gauche concurrente. Il ne changera pas de ligne, disent ses proches : en matière de dénonciation du système financier ou de la dictature des banques, il lui suffit de réitérer ses paroles du Bourget. Et cela fait des mois qu’il plaide pour la justice fiscale. C’est vrai, et dans ce domaine, on ne peut reprocher la moindre inconstance au candidat socialiste.
Mais s’il veut affronter avec succès ses concurrents de gauche, l’appel au vote utile ne suffira pas. Sans changer de ligne, il devra cependant trouver les accents capables de répondre à la part de rêve qu’incarne désormais le Front de Gauche. Et cela pourrait d’ailleurs être tout profit pour Hollande lui-même qui en bon élève de Mitterrand (sur la plan stratégique, tout comme Mélenchon d’ailleurs) se rappelle sûrement qu’au premier tour d’une élection présidentielle, le candidat de gauche doit d’abord rassembler la plus grande partie possible de son camp. L’inévitable élargissement au centre, c’est pour le deuxième tour. C’est (notamment) pour l’avoir négligé que Lionel Jospin avait du quitter la scène prématurément et tragiquement en 2002.