Il y a longtemps que l’on n’a plus respiré un air aussi malsain dans l’hexagone. Les droites macroniste et traditionnelle rivalisent dans la concurrence à l’extrême droite. Ce n’est pas nouveau, mais cette fois Marine Le Pen ne doit même plus parler. D’ailleurs, elle se manifeste très peu tant la droite lui déroule un tapis rouge en multipliant à l’envi les débats sur les thèmes qui lui sont chers et qui ont fait sa fortune politique. En mêlant sans vergogne voile, laïcité, islam, insécurité, immigration et identité, le pouvoir épargne au Rassemblement National la nécessité de développer son propre discours : il est déjà servi. Ce n’est pas la première fois que les partis traditionnels de droite — et parfois de gauche — cèdent à la tentation de se placer sur le terrain de l’extrême-droite. Ce qui avait d’ailleurs fait dire un jour à Jean-Marie Le Pen que les Français « préféreraient toujours l’original à la copie ». La formule avait fait florès — et Le Pen s’était retrouvé en 2002 au 2e tour de la présidentielle — mais les partis traditionnels n’en ont jamais tiré les leçons. Et aujourd’hui Emmanuel Macron surpasse tous ses prédécesseurs de droite. Vu l’état des forces en présence et notamment la déliquescence des partis de la droite et de la gauche traditionnelle, il est probable qu’en 2022 la présidentielle se résumera à un nouveau duel Macron/Le Pen. Les deux impétrants et les sondages en sont, en tous cas, convaincus. L’histoire réserve toujours des surprises, mais, en l’état, le schéma est vraisemblable.
Macron a donc décidé de chasser sur les terres de sa concurrente potentielle. En même temps, il développe la politique socio-économique la plus à droite que la France ait connu depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. La dernière réforme de l’assurance chômage en est l’illustration parfaite. Depuis le 1er novembre, 850 000 chômeurs voient passer leur indemnité diminuée de 22 à 50 % tandis que des restrictions sont mises en place pour l’accès au droit au chômage lui-même. « Le Monde », dont on connaît la modération, parle d’une « réforme punitive » qui va fabriquer de nouveaux pauvres. Et même Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, interlocuteur privilégié du pouvoir, estime qu’il s’agit « d’une des réformes les plus dures socialement qui s’est opérée ces 25 dernières années ». La réforme des pensions arrive, celle du logement est déjà passée, la fiscalité favorise en permanence les gros revenus : les inégalités ne cessent de croître. De ce côté, Macron a blindé son électorat conservateur. Mas cela ne suffit pas. Il veut aussi s’assurer cette part de la droite susceptible de rejoindre Le Pen ou Dupont Aignan. Il fallait donc un « programme immigration » que n’auraient pas désavoué ceux-ci. Politique des quotas (que le candidat Macron jugeait en 2017 inacceptable et inefficace), restrictions à la couverture santé pour les demandeurs d’asile et les sans-papiers, rodomontades sur la « reprise du contrôle des flux migratoires ». C’est ce que la droite appelle un « discours décomplexé » sur l’immigration. Mais aussi sur le voile. À propos de la polémique sur le voile porté par des mères accompagnatrice de sorties scolaires, le ministre de l’Éducation nationale, Jean Michel Blanquer, a été jusqu’à affirmer que « Le voile n’est pas souhaitable dans notre société ».[1] Des discours qui semblent, en tous cas, « libérer » la parole et les actes racistes. On l’a vu avec l’attentat contre la mosquée de Bayonne et l’attitude d’un élu RN qui a pris à partie une mère voilée accompagnatrice d’un groupe d’enfants au conseil régional de Bourgogne–Franche-Comté. Pour chasser sur les terres lepenistes, le pouvoir macronien prend des risques qui peuvent conduire à une tragédie.
Et le choix d’Emmanuel Macron de réserver l’annonce de son programme migratoire et de confier son discours sur le communautarisme et l’Islam à l’hebdomadaire « Valeurs Actuelles » [2]qui se veut le pont entre la droite et l’extrême droite rend encore ses propos plus radicaux. Dans un long entretien exclusif où il (r) accole le fait migratoire au fait religieux, le Président de la République qualifie les associations d’aide aux réfugiés de « droits-de-l’hommistes main sur le cœur » ou dénonce le « tiers-mondisme non aligné aux relents marxistes » pour évoquer une récente manifestation antiraciste.[3] Parfois le lieu d’où l’on parle a autant d’importance que le propos lui-même. Le ton n’est pas moins essentiel et celui qui domine dans l’entretien de Valeurs Actuelles est celui de la complaisance, voire de la complicité entre les interlocuteurs. [4]L’air n’est pas seulement malsain, il devient insalubre.
[1] Le Monde 13/10/2019
[2] Valeurs Actuelles 30/10/2019
[3] Libération 30/10/2019
[4] Le Monde (31/1//2019) raconte en détail comment la liaison dangereuse entre l’hebdomadaire et le futur président s’est tissée dès 2016.
Depuis la première élection présidentielle au suffrage universel en 1965, il y a eu chaque fois, sans exception, une surprise , parfois sidérante, dans les pronostics. De Gaulle en ballotage, le score de Duclos en 69, Chaban au tapis en 74, VGE défait par Mitterrand en 81, Chirac qui se plante totalement en 88, mais bat en 95 un Balladur que tout le monde voyait Président, Jospin que personne n’attendait, (suite à la défection de Jacques delors Delors, archi favori), et qui n’est pas au second tour en 2002, distancé d’un chouïa par Le Pen qui provoque une sorte de sidération dont hélas personne ne tira les leçons; en 2017 Ségolène Royal qui se débarrasse des éléphants du PS pour se crasher face à Sarkozy; en 2012 explosion en plein vol de Strauss-Kahn et élection de Hollande qui au départ n’avait même pas 5 % dans les sondages; en 2017 Hollande qui se représente pas, Macron encore trentenaire, qui négligea les primaires ( de droite ou de gauche? la question ne fut pas posé) !) et avec un parti créé en six mois qui écarte Juppé tandis que le Canard enchaîné fait dévisser François Fillon, ( avec sa propre complicité) : décidément rien n’est jamais écrit, ni prévisible.
J’ai la conviction que l’ élection de 2022 ne sera pas exempte de rebondissements, puisque cela semble être la règle. Sans faire de pronostic, j’imagine même le redressement d’une gauche totalement au tapis qui pourrait compter sur le dernier qui garde encore sa carte du P.S. : Bernard Cazeneuve. Il y a du…Mitterrand en lui, un charisme tranquille doublé d’une autorité morale évidente, choses apparues dans les circonstances terribles de 2015, (attentats) et qui ne sont pas oubliées malgré sa discrétion actuelle. Il pourrait très bien être la surprise de 2022, et je n’y verrais aucun inconvénient…
Cazeneuve en sauveur suprême…
Fallait oser!