Ce samedi 16 décembre restera peut-être comme une date clef dans l’évolution du cadre politique italien. Vingt ans, jour pour jour, après l’annonce de son entrée en politique et la naissance de Forza Italia, son parti entreprise, Silvio Berlusconi en a exhumé les restes. Il a « recrée » son parti avec ses plus fidèles soutiens, ceux qu’on a baptisé les « faucons ». Cette fois, il ne s’agit plus de se lancer à la conquête du pouvoir mais de tenter de sauver le leader en perdition dont la déchéance politique sera inexorablement prononcée le 27 novembre prochain au parlement italien. Samedi, dans un discours fleuve, un Berlusconi essoufflé a repris ses antiennes sur la magistrature, les impôts ou les « communistes ». « L’histoire ne se répète pas, elle bégaie », dit la phrase attribuée à Marx. Berlusconi a bégayé. La refondation de Forza Italia, tout à son service personnel, résonne comme une tentative désespérée de continuer à exister même si l’étonnante persistance de la popularité du Cavaliere lui préserve encore un pouvoir de nuisance.
Berlusconi a ressuscité Forza Italia et abandonné le PDL (Parti de la Liberté) qu’il avait fondé en 2009 pour rassembler l’ensemble de la droite (notamment avec le parti de Fini et l’UDC des anciens démocrates-chrétiens qui n’y restèrent pas longtemps) suite à la décision de son ancien dauphin de constituer de nouveaux groupes parlementaires sous l’appellation Nuova Centro Destra (Nouveau Centre Droite). Vendredi, lors d’un dernier entretien, le vice premier ministre avait définitivement refusé à son mentor de lier l’avenir du gouvernement à son sort judiciaire. Cette fois Angelino Alfano a donc franchi le Rubicon.
Mais cette rupture s’accompagne de signes d’affection et de reconnaissance du fils au père qui traduisent sans doute la difficulté que le premier a eu de s’émanciper du second. Chacun promet aussi de se retrouver en cartel lors des prochaines élections, ce qui permettrait à une droite qui n’a jamais été aussi fragmentée de jouer le double jeu permanent du pouvoir et de l’opposition. Des retrouvailles électorales entre berlusconiens de fer et berlusconiens de papier ne sont pas à exclure. Tous les scénarii restent ouverts même si une véritable droite libérale moderne et européenne est peut-être née mettant fin au « ventennio » [[Ventennio est l’expression utilisée pour définir les 20 ans de domination fasciste en Italie mais qui a été reprise par le premier ministre lui-même pour qualifier l’époque berlusconienne ]] de l’anomalie berlusconienne.
Le gouvernement Letta sort incontestablement renforcé de ce dernier épisode. Le PD est conforté dans son statut de principale force politique mais il n’est pas certain que le centre gauche soit en mesure de jouir de cette primauté. Les primaires en cours pour désigner le nouveau leader du parti achèvent de déchirer les Démocrates.
Matteo Renzi, le maire de Florence dont les maîtres à penser sont Blair et Obama, est arrivé en tête des votes des membres du PD. La deuxième manche aura lieu le 8 décembre et permettra aux sympathisants du parti de s’exprimer – on y reviendra. Une victoire de Renzi conclurait un cycle qui avait commencé avec l’auto dissolution du PCI en 1990/91. Le social libéralisme aura, alors, liquidé ce qui subsistait du plus grand parti de la gauche européenne durant le XXe siècle. En cette fin 2013 la nouvelle droite sans Berlusconi et le nouveau centre gauche sans référence socialiste sont bien en passe de modifier profondément le paysage politique italien.
P.S. : En prime, ce « baiser anti-répression », capté à Turin lors d’une manifestation contre la construction du TGV franco-italien. Devant le succès du cliché, la jeune fille a tenu à préciser que son geste était une provocation, qu’il ne fallait pas y voir un geste d’amour et qu’elle hait l’uniforme. Celui qui le porte a rétorqué qu’il n’était pas dupe mais son expression laisse planer un doute…