Décidément au bal des hypocrites, la sphère médiatique est assurée de remporter la palme. Voilà, donc, venu, avec le « coup de théâtre » dans l’affaire DSK, le temps du questionnement, voire de la contrition médiatique qui lui-même génère les mêmes effets que les maux censés être mis en cause…et permet d’alimenter la machine à diffuser. Dans l’affaire DSK on a connu toutes les étapes de la « spectacularisation » [[ Un expression que j’avais utilisé, en 1997, dans mon ouvrage « Une minute de silence – crise de l’information, crise de la télévision, crise du service public – Editions LABOR (Bruxelles)]] de l’information, tous les dérapages, toutes les dérives : sidération, doute, refoulé, complot, adhésion, retour à la sidération, positive, cette fois. Autant d’états d’âme basés sur l’émotion et la recherche de l’audience maximale. Le summum de la confusion de tous les temps : médiatique, judiciaire et politique. Et la question n’est pas tant celle de la procédure judiciaire américaine versus la procédure européenne, que le comportement médiatique.
Ce dimanche, -il est encore dimanche à l’heure où j’écris- trois quotidiens français illustrent à merveille – dans des registres différents-cet état des choses. Le Monde évoque dans son éditorial intitulé « De New York à Paris, éloge de la lenteur », « le sentiment de gêne et de malaise éprouvé devant la manière dont s’est emballée la machine médiatico-judiciaire, au moment où il eût fallu faire preuve de lenteur et de prudence ». Of course…et Le Monde ne songe certainement pas à lui-même quand il écrit ses lignes (et bien évidement, Le Monde n’est pas le pire dans le genre, les télévisions privées et publiques étant indépassables dans le registre). Dans le JDD (Le Journal du Dimanche, publication du groupe Lagardère (on y reviendra), le directeur de la rédaction – un certain Olivier Jay- titre son édito « Dérive médiatique » -qui, soit dit en passant pourrait servir chaque semaine pour l’hebdo en question- et de dénoncer « les médias (qui) s’emballent dans des prurits successifs. Un emballement accentué par une concurrence violence… ».La lucidité de Olivier Jay fait plaisir à lire…mais rassurez-vous l’intéressé avait pris garde d’énoncer auparavant les mots qui sauvent : « les médias du monde entier, écrit-il, ont répondu avec précipitation « à la curiosité de leur public ». C’est évidemment la faute au public…Dans la logique de marché, la demande conditionne naturellement l’offre médiatique. Et puis, ce matin, dans « Sud Ouest », mon quotidien régional favori, l’excellent Jean-Claude Guillebaud, publie lui, sa chronique hebdomadaire , et répond, à sa manière, à la question de la gestion du temps. Il est question de « L’estive à bonne altitude » [[http://www.sudouest.fr/2011/07/03/l-estive-a-bonne-altitude-442484-4158.php]] – l’estive est la période de l’année où les troupeaux de moutons paissent sur les pâturages de montagne.- et surtout du « temps qui se dérègle » et de la fameuse indispensable « lenteur » dont les médias découvrent subitement le caractère indispensable.
Journaux, hebdos, radions, télés, aucun ne s’est soustrait à l’introspection quasi autocritique permettant du même coup une relance du système médiatique. Car au moment même où ils semblaient douter, les médias relançaient la machine de plus belle. Quarante seconde après l’annonce du renversement juridique, dès la première « spéciale » des radios et télés, la question- quasi accusatoire- était « et maintenant que va faire Martine Aubry… » « Eloge de la lenteur », disait-on.
Quant à cette question, qui n’est pas sans pertinence, ni sans intérêt, de l’éventuel avenir politique de Dominique Strauss Kahn, il est étrange qu’elle soit posée uniquement en terme d’innocence ou de culpabilité dans l’affaire qui l’occupe. Certes, elle est déterminante formellement. Mais dans l’hypertrophie médiatique, quelques éléments ont ressurgi, avec bon sens (cela peut encore arriver dans les médias), qui indiquent comment DSK était fondamentalement un candidat socialo-incompatible (selon les canons de la sociale démocratie décente, en tous cas). Au-delà de l’affaire en question, deux éléments ont ressurgi régulièrement : le simple rapport homme/femme (avec tout ce qu’il implique dans une vision du monde) et la structure de l’entourage strausskanien. Faut-il rappeler que l’un des ses conseillers les plus proches et les plus écoutés, n’est autre que Ramzi Khiroun, porte-parole du groupe Lagardère, celui que Sarkozy considère comme son « frère »…