Les lampions de la nostalgie mitterrandienne se sont éteints – enfin pas encore tout à fait car après la commémoration du 10 mai 81, il restera celle du 21 mai, jour de l’intronisation présidentielle et de l’équipée au Panthéon – mais l’essentiel a été dit et redit. Les anniversaires en tous genres font le miel des médias, ce sont des valeurs sûres que l’on anticipe d’ailleurs de plus en plus pour être certain d’être sinon le premier, en tous cas de ne pas être le dernier. Le 30ème anniversaire de l’arrivée au pouvoir du premier et seul président socialiste de la Ve République n’échappe pas à la règle, on peut même dire qu’il est un modèle du genre.
De son vivant, Mitterrand a sans doute été l’homme politique le plus portraituré, le plus analysé, le plus disséqué entre fascination et détestation. Quinze ans après sa mort – et après un assez court purgatoire- l’intérêt n’a pas faibli. A nouveau des dizaines d’ouvrages, de dossiers, d’entretiens, de films, des soirées spéciales à la télévision, jusqu’à une pièce mise en scène au Théâtre de l’Odéon. Le Monde titrait d’ailleurs ce 10 mai : « Trente ans après, Mitterrand redevient l’icône de la gauche ». Ce phénomène conserve une part de mystère. Le bilan des deux septennats de l’homme de Jarnac demeure, à tout le moins, en demi-teintes, les ombres et les lumières de son parcours sinueux continuent de cohabiter sans que de nouveaux éclairs permettent d’en bousculer l’équilibre.
Alors d’où viennent ces nostalgies post-mitterrandiennes ? Il faut peut-être en chercher l’origine dans la manière dont François Mitterrand a conduit la politique, pour le meilleur et pour le pire. Tout chez lui a été d’abord été verbe. « Dire, c’est faire » répétait Mitterrand. Et même si déjà la mondialisation limitait son pouvoir, il représentait un certain volontarisme en politique. Mais il y a d’autres raisons : Mitterrand a été le dernier vainqueur de la gauche et il incarnait un rêve aujourd’hui perdu. A un an des présidentielles, cette gauche se cherche toujours un leader incontesté. Et tandis que l’actuel pensionnaire de l’Elysée s’est évertué à dévaloriser la fonction, la stature et la statue de Mitterrand pèsent sur le Palais. Enfin sa plus grande force est sans doute d’avoir toujours nourri la politique de symboles. Cela ne contribue pas à des bilans sereins et sérieux mais aujourd’hui l’absence de symbolique témoigne bien de la crise de la représentation politique.