J’évoquais ici, la semaine dernière, le coup double de Marine le Pen à l’occasion des élections cantonales. Les résultats ont confirmé le succès du Front National. Certes, il n’obtient que deux élus mais il dépasse les 45 % des voix dans de nombreux cantons – c’est énorme- et il gagne partout des voix entre les deux tours. Premier objectif atteint pour Marine Le Pen. Le deuxième dépasse sans doute ses propres espérances : la droite s’entredéchire, le premier ministre, François Fillon et le secrétaire général de l’UMP, Jean-François Coppé règlent leurs compte avec une violence rare, rappelant les conflits plus noirs de la droite sous le Ve République. En cause, à la fois la stratégie à mener – en gros, se concilier ou se démarquer nettement du Front National- et l’après-Sarkozy.
Les derniers sondages qui donnent l’actuel président absent du second tour des présidentielles de 2012, ont réveillé les appétits en dépit de toutes les dénégations. Et, dans la foulée, la cacophonie continue à droite à propos du débat sur l’islam et la laïcité. Un débat dont l’annonce a attisé les peurs et les phantasmes, un débat improvisé et jugé inutile par tous ceux qui traitent de ces matières au quotidien. Mais visiblement, même au prix de tous les dangers pour la société française, Nicolas Sarkozy persiste dans sa stratégie perdante. Fait exceptionnel, les représentants de toutes les religions se sont prononcés contre la tenue de ce débat dans les termes où il est présenté, notamment en raison de son risque de stigmatisation.
En attendant, carton plein pour Marine le Pen qui réalise même un triple coup. Car la gauche est aussi concernée par le succès de l’extrême droite. D’une manière sans doute moins spectaculaire dans l’immédiat mais tout aussi fondamentalement. La gauche a perdu une partie importante de son électorat populaire au profit du FN ou de l’abstention. Le PS ne parvient pas à convaincre qu’il représente une véritable alternative. Les rivalités personnelles, la non-visibilité de son programme et les contorsions tactiques du mécanisme insidieux des primaires brouillent son message politique. Marine Le Pen pèsera même sur ces primaires puisqu’il s’agira pour le PS de désigner son meilleur candidat face à la droite mais aussi face à l’extrême droite, et ce n’est pas nécessairement le même… Oui décidément, Marine Le Pen s’est bien installée au centre du jeu politique avec des conséquences que l’on ne mesure pas encore complètement.