« Est-il possible que dans une ville détruite par un tremblement de terre les artisans qui devraient avoir un rôle central dans la reconstruction soient obligés de mettre leurs travailleurs en chômage technique ? » A cette question de bon sens posée par un journaliste italien, il faut bien répondre par l’affirmative. Oui, c’est bien ce qui se passe aujourd’hui à L’Aquila, un peu moins d’an après le séisme qui avait détruit la ville des Abruzzes.
Et ce constat vaut plus que tous les discours sur la corruption et les scandales qui entourent notamment la reconstruction de L’Aquila. Car les langues se délient, les enquêtes progressent, les inculpations et les démissions se multiplient. Sur place, les habitants protestent, la ville vit toujours sous les décombres, et les habitations construites uniquement en périphérie sans aucun projet urbanistique condamnent le centre historique à une mort lente ou à une exploitation effrénée. L’image matraquée par la télévision d’une Protection civile modèle d’efficacité et de son chef Guido Bertolazzo, super héro omniprésent s’écorne. Et pas seulement à l’Aquila.
On constate à présent que la dite Protection Civile est devenue un état dans l’état qui, au nom de l’urgence, peut opérer sans le moindre contrôle et au mépris de toute procédure. Non seulement pour les opérations de sauvetage, ce qui est compréhensible, mais aussi pour la reconstruction non seulement d’une ville sinistrée mais pour tout ce que l’on appelle en Italie les « grands événements », ce qui va des travaux pour l’organisation du G8 jusqu’aux mondiaux de natation en passant par les déplacements du pape dans le pays. D’où des affaires en cascade dans l’attribution arbitraire de travaux publics, des affaires qui mettent en cause des entrepreneurs et des responsables d’administration mais aussi des politiques et même des magistrats.
S’ils se confirment, les scandales seront énormes mais ils seront aussi à l’image de ce que Silvio Berlusconi revendique comme la politique « del fare », la politique des actes face naturellement à celle impuissante, des mots. Gérer l’état comme une entreprise sans contrainte d’aucune sorte au nom de l’efficacité managériale et des intérêts du marché. Aujourd’hui la Protection civile incarne bien le rêve berlusconien.