Il est aujourd’hui de bon ton – et il ya quelques bonnes raisons- de railler le spectacle offert par les socialistes français. Les rebondissements, les trahisons, les haines, et même, dit-on, les tricheries : bref une sorte de Télé Réalité Politique où le feuilleton médiatique met à nu les vrais gens de la vraie vie publique. On aura retenu les affrontements personnels encore plus spectaculaires puisque, pour une fois, exclusivement féminins. On aura souligné les contradictions et les oppositions, l’existence de deux types de parti et on aura naturellement mis en avant l’incompatibilité des ambitions qui ne peuvent que s’exacerber d’ici l’élection présidentielle de 2012 qui conditionne toute la vie politique française.
On aura aussi toute de même finalement salué les qualités politiques et intellectuelles de celle qui s’est imposée sur le fil, tout en soulignant les difficultés quasi insurmontables de la tâche qui lui incombe. Rien de tout cela n’est inexact et toutes ces questions devront être tranchées. Mais la problématique de l’avenir du Parti Socialiste et de la gauche française est sans doute plus complexe. Car il ne s’agit pas seulement d’un appareil politique en proie aux soubresauts des ambitions personnels et des calculs politiciens.
On a sans doute oublié que même s’il compte moins de membres que d’autres partis européens, le PS est le premier parti français en termes d’élus. Il dirige 20 des 22 régions, il contrôle 55 des 101 conseils généraux et gère les ¾ des grandes villes de l’hexagone. Cela représente des dizaines de milliers d’élus et un véritable maillage de la société française qui fait confiance à sa capacité de gestion locale. L’incapacité de traduire cette prééminence au niveau gouvernemental ou présidentiel n’est sans doute ni une question d’hommes ou de femmes, ni un problème d’organisation partisane. Elle interroge bien plus le projet politique. Depuis deux décennies le projet social-démocrate est en crise. Aujourd’hui, le défi de son renouvellement ou de son alternative est encore plus gigantesque face à la crise du libéralisme et du capitalisme. Ce moment de paroxysme historique où crainte et espoir, angoisse et doute s’entremêlent, éclaire aussi une crise comme celle que vient de vivre le PS français et balise l’immense chantier qui attend Martine Aubry.