Référendums en Italie : échec cuisant pour le centre-gauche

La défaite touche aussi naturellement la CGIL, l’organisation syndicale qui avait pris l’initiative de 4 référendums visant à abroger des lois qui facilitent les licenciements et précarisent les travailleurs. Parmi elles, et non la moindre, le « Jobs Act » instauré en 2016 par le gouvernement Renzi alors premier ministre du Parti Démocrate[1] et champion de la flexibilité. Il s’agissait aussi de lutter contre les très nombreux accidents du travail[2] ( souvent mortels) en élargissant la responsabilité des entreprises qui pratiquent massivement la sous-traitance sans garantie de sécurité. Le 5eme référendum, initié par différents partis et mouvements, concernait la citoyenneté et voulait rabaisser de 10 à 5 ans la durée de séjour légal en Italie pour faire une demande de naturalisation. Pour que les résultats soient pris en considération il faut que la participation atteigne les 50 % plus une voix.

Le pari était risqué. D’une manière générale, depuis longtemps, les référendums atteignent rarement ce taux de votants et la participation électorale est en baisse permanente. En dépit de quelques signes encourageants ( des élections municipales partielles remportées à Gênes et à Ravenne la semaine dernière et une puissante manifestation – 300 000 personnes dans les rues de Rome samedi — organisée en solidarité avec Gaza par l’ensemble de la gauche et du centre-gauche), les urnes des référendums ont été désertées par près de 70 % des électeurs. La CGIL, le PD qui après avoir tergiversé l’avait accompagnée, le Mouvement des Cinque Stelle et la coalition Sinistra Italiana — Verdi per l’Europa, en dépit d’une campagne de terrain, n’ont pas convaincu leur base sociale de se déplacer massivement pour ce scrutin.

Le parti était risqué et il a été perdu. Seulement 30,5 % de votants. C’est peu et ce chiffre confirme la crise démocratique et de la participation qui s’approfondit en Italie. La différence de résultats entre les référendums témoigne aussi de cette crise. Si la consultation sur les questions du travail ont été sans appel ( plus de 80 % de oui en faveur de l’abrogation des lois contestées), celle qui concernait la facilitation de la naturalisation n’a obtenu que 66 % d’approbation. Cela indique que la politique et la propagande anti-immigrée du gouvernement Meloni ont aussi influencé une partie de l’électorat de gauche. Le PD et ses alliés veulent se consoler en constatant que les 14 millions de participants, c’est un peu mieux que les 13 millions 200 mille électeurs qui avaient porté Giorgia Meloni au pouvoir en 2022. Comparaison évidemment fallacieuse, la nature des scrutins n’étant pas comparable. En dépit des efforts d’Elly Schlein, la dirigeante du PD, pour sortir son parti des ornières du social-libéralisme, le centre-gauche n’arrive toujours pas à se forger une identité politique capable de remobiliser des électeurs en déshérence. Sous sa houlette, souvent contre carrée en interne[3], le centre-gauche et la gauche tentent de s’unir pour offrir une alternative à la coalition de l’extrême droite et de la droite. On est loin du compte et la crise de la politique et de la représentation touche d’abord l’opposition qui en est aussi la principale responsable.

De son côté, Giorgia Meloni exulte et veut faire de ces résultats un référendum sur sa personne et sa politique. Les partis du gouvernement ont organisé le boycott de la consultation et considèrent la faible participation comme une approbation de leur action. Ici aussi interprétation abusive. Mais les faits sont là : à mi-chemin de son mandat, Giorgia Meloni qui revendique la stabilité de son pouvoir ( denrée rare en Italie) conserve une popularité intacte et personne, jusqu’ici, n’est en mesure de la lui contester.

[1] Qu’il a quitté depuis pour créer une nouvelle formation centriste Italia Viva ( 2 à 3 % des suffrages)

[2] Sur plus de 1000 accidents du travail répertoriés en 2024, 700 étaient mortels.

[3] Notamment par les centristes et les amis de Renzi qui sont restés au PD. Ils lui reprochent aujourd’hui d’avoir fait un « cadeau à la droite » avec ces référendums.

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1 réponse à Référendums en Italie : échec cuisant pour le centre-gauche

  1. Michel Di Mattia dit :

    Merci pour cette analyse sur l’issue des cinq référendums. Il faut rappeler que depuis 2011, lors d’une consultation à l’époque sur l’énergie nucléaire, plus aucun référendum n’a atteint le quorum en Italie. La CGIL a pourtant voulu ce pari risqué. Un pari perdu d’avance, un enjeu illusoire si l’enjeu était de rassembler une majorité de votants. A la sortie des urnes, la participation pour les cinq scrutins plafonnait à moins de 30,6 %. Il est difficile d’imaginer que les principaux protagonistes de cette consultation, Schlein et Landini en tête, n’avaient pleine conscience de l’issue en se lançant dans cette campagne.
    Un pari dès lors sans doute avec une autre vocation, peut-être illusoire : se mobiliser et aussi faire date… quarante ans après l’échec cuisant et historique de la consultation sur la Scala mobile. Cette défaite à l’époque avait sonné le glas de plusieurs décennies de revendications progressistes, et conditionné la plupart des aspirations syndicales à l’échelle nationale, très souvent d’ailleurs ponctuées de revers. Les salaires italiens restent parmi les plus bas d’Europe occidentale, le nombre de reculs sociaux est aussi impressionnant que la désindustrialisation massive et l’abandon d’entreprises-fleurons allant jusqu’au symbole de feu Fiat.
    A défaut de cette improbable « révolte sociale » invoquée par son secrétaire Maurizio Landini, la CGIL a voulu donner à l’Italie progressiste une occasion de se compter. L’issue était inéluctable dans un contexte d’une « démocratie à très basse intensité » (dénoncé entre autres par le président Mattarella), mais il demeure que cette consultation aura réuni 14 millions de personnes qui se sont prononcées à 85% contre le Job Act renzien, ce catalyseur de la précarité à grande échelle.
    Cette consultation aura aussi marginalisé les centristes (Calenda, Renzi et ses amis au sein du parti démocrate), et permis d’avancer un agenda politique comme socle d’un futur programme renouant avec des marqueurs de gauche, à défaut de renouer complètement avec le peuple de gauche.
    Difficile de dire si Meloni peut réellement en retirer un quelconque bénéfice, elle dont l’agenda est désormais en flottaison à l’international, très loin des préoccupations de ses concitoyens. Dès le départ, son camp n’a d‘ailleurs pas compris cette initiative référendaire au point que le président du Sénat Ignazio La Russa a même appelé à ne pas aller voter. Jamais avant lui, un tel appel n’avait été lancé par quelqu’un occupant la deuxième charge de l’Etat.

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