« Refaire société »

« La crise financière, la montée de la précarité et de la pauvreté, l’accroissement des inégalités mettent en péril la cohésion de notre société. Le délitement du lien social est aussi aggravé par le repli sur soi et la profonde méfiance des citoyens à l’égard des institutions. Il ne s’agit pas seulement de faire le constat de cette crise mais de comprendre comment on peut faire – ou refaire société » : voilà comment les auteurs de ce petit livre paru récemment et intitulé précisément « Refaire société » définissent leur propos. Réunis autour de Pierre Rosanvallon
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Je reviendrai prochainement sur le dernier ouvrage de Rosanvallon, « La Société des Egaux » ( Seuil)]] qui dirige l’excellente collection « La République des Idées » au Seuil, les intervenants se définissent comme un « intellectuel collectif » qui veut offrir des analyses et des propositions pour sortir de la crise multiforme que nous traversons.

Disons d’emblée que les analyses sont plus convaincantes que les propositions qui demeurent souvent timides face à l’ampleur de la crise. Mais de ces sociologues, philosophes et enseignants, comme Baudelot, Dubet et Castel ce sont bien les premières que nous attendons. Les conclusions politiques restent à tirer mais les analyses fournies y aideront. Comme toujours, Robert Castel résume à la fois avec force et subtilité, et en quelques pages, les immenses travaux qu’il a développés ces dernières années sur l’individualisation à marche forcée de notre société et sur ses effets destructeurs en matière de lien et d’indépendance sociale. Paradoxalement, écrit Castel – mais c’est un enseignement irrécusable de l’histoire sociale-, il a fallu dés-individualiser les individus pour qu’ils deviennent des individus à part entière. C’est l’appartenance à des collectifs qui donne des droits. La sortie du capitalisme industriel au milieu des années 70 et l’hégémonie progressive du capitalisme financier international a provoqué une rupture de trajectoire, une dynamique de dé-collectivisation , la formation d’un précariat massif et l’apparition de ce qu’il appelle un individu par défaut à qui il manque désormais les conditions minimales pour exister comme individu à part entière et être reconnu comme tels. C’est seulement la réaffirmation énergique des droits sociaux et leur redéploiement qui permettra de « refaire société » dit en substance Castel.

Ses propos sont complétés par des analyses sur d’autres inégalités, les discriminations raciales comme le renforcement des richesses héritées, la domination de la figure du rentier et la nouvelle fracture générationnelle. En moins de 100 pages, un instrument utile pour nous aider à contrecarrer les responsables d’une crise qui, à l’aube de 2012, n’a pas encore produit tous ses effets dévastateurs.

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