Depuis le 1er janvier dernier le marché postal est complètement libéralisé. C’est la fin d’un processus entamé il y a 15 ans et que retrace une étude intéressante parue dans « Démocratie », le bimensuel du Mouvement Ouvrier Chrétien sous la plume de Philippe Taquet. Les promoteurs de cette opération – l’Union Européenne et les gouvernements nationaux- nous assurent évidemment que la libéralisation doit offrir des avantages aux consommateurs et aux entreprises grâce à des services moins chers et de meilleure qualité. Faut-il dire qu’on est loin du compte.
L’expérience du secteur de l’énergie nous avait déjà montré que la libéralisation est tout, sauf profitable aux consommateurs. Celle de la poste ne fera que confirmer cet état des choses, et fort probablement en pire. On connaît déjà les conséquences de la libéralisation progressive : réorganisation chaotique des tournées, surpression de 30 % des boîtes aux lettres et plus de 600 bureaux de poste remplacés par les points poste installés dans le privé. Et en termes d’emploi : réduction de la moitié des effectifs depuis la fin des années 80, hausse de la flexibilité et de la productivité, précarisation de l’emploi avec la création des « livreurs de lettres », sorte de « sous-facteurs », payés à moins de 10 € de l’heure pour un travail de 2 à 4 heures par jour. Bref à la fois une précarisation de l’emploi et la fin du rôle social du facteur et des services qu’il pouvait rendre aux usagers. Avec cette dernière étape, la libéralisation des envois de moins 50 g – soit 70 % des lettres postées en Europe et 60 % des recettes globales, la poste est désormais totalement entrée dans une logique commerciale.
Le schéma est connu : les nouveaux acteurs privés vont naturellement privilégier les secteurs rentables et l’obligation de service universel qui a désormais remplacé le concept de service public risque de se réduire comme une peau de chagrin. La concurrence sera sans doute rude car le marché postal belge, avec sa densité de population et son urbanisation élevée, est particulièrement attractif pour les nouveaux opérateurs. Mais cette concurrence là, on l’a déjà constaté pour d’autres libéralisations du secteur public, n’est jamais profitable aux consommateurs et encore moins aux travailleurs de ce secteur. C’est aussi le constat que fait « Démocratie » face aux choix de la Commission européenne – et des états qu’elle représente- en faveur de la compétitivité à tous crins. Dans ce domaine, comme dans celui de la crise financière, on ne tire décidément aucune leçon de la faillite des recettes ultralibérales.