L’occident et le monde arabe : l’imposture diplomatique

« Transition ordonnée », voilà l’expression qu’a d’abord inventée la diplomatie occidentale face aux révolutions démocratiques des peuples arabes. La pression des événements a contraint les Européens à ajouter le qualificatif « immédiat » à la transition. Mais l’Union Européenne et les Etats-Unis avaient donc utilisé les mêmes mots – peut-être – qui sait – avec l’aide de l’agent américain du gouvernement belge – pour masquer leur imposture diplomatique. Traduisant ainsi la même hypocrisie, le même aveuglement et le même cynisme et aussi le même désarroi des diplomaties occidentales. Pendant des décennies, au nom de la stabilité – c’est-à-dire essentiellement du maintien des intérêts occidentaux – l’Europe et les Etats-Unis ont soutenu les pires régimes, faisant fi de leurs propres déclarations de principes et de leurs valeurs.

Au-delà de la morale politique dont on sait qu’elle a peu de choses à voir avec les rapports de force, cette attitude a été inefficace. Ce sont bien les dictatures soutenues par l’Occident qui ont engendré l’émergence d’un islamisme radical qui apparaissait comme le seul recours face à l’oppression. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Déjà Israël qui craint aujourd’hui la révolte démocratique des peuples arabes avait récolté les mêmes fruits empoisonnés en privilégiant jadis le Hamas pour mieux éliminer politiquement l’OLP. Depuis la deuxième moitié du XXe siècle, les exemples sont légion de cette faillite politique. Les régimes dits « modérés » ont toujours été les plus extrémistes dans la répression de toute opposition et leurs dirigeants en place pour des dizaines d’années ont géré leurs pays dans la corruption et le clientélisme. Tout cela tient jusqu’au moment où les peuples sortent de leur asphyxie, où l’insupportable détrône la peur. Une partie du monde arabe bascule aujourd’hui comme avait implosé le monde communiste à la fin des années 80.

C’est sans doute un fait majeur de ce début du XXIe siècle. Et après la Tunisie, le cas de l’Egypte est exemplaire. Les manifestants égyptiens réclament la liberté et la démocratie mais ils s’insurgent aussi contre des réformes économiques qui ont été profondément injustes. Ces réformes libérales qui avaient fait de Moubarak, comme de Ben Ali d’ailleurs, de bons élèves du FMI et de la Banque mondiale. A Davos, où les temps obligent de tempérer, formellement au moins, les discours ultralibéraux, on jugeait il y a quelques jours que le « niveau de l’instabilité stratégique » monte. Un spectre hante donc une fois encore l’Occident : celui de ces peuples « instables » qui revendiquent la démocratie politique mais aussi la justice sociale et économique.

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