Il fut un temps pas si éloigné, où dans un état démocratique, la presse représentait le contre-pouvoir par excellence. Celui qui a en charge d’interpeller les puissants, de poser des questions dérangeantes, de mettre en évidence les dysfonctionnements de la société, d’être en quelque sorte le représentant de l’esprit critique du citoyen. Aujourd’hui, tout se passe comme si le contre-pouvoir s’était mué en pouvoir : celui qui fixe l’agenda politique, lance aux gouvernants ou à tout détenteur d’une parcelle d’autorité des injonctions qui le plus souvent ne tolèrent même pas réplique et qui fixe du haut de sa légitimité autoproclamée les règles de conduite à suivre ou à proscrire.
Tel est aujourd’hui la pouvoir médiatique. Et cette perversion démocratique est d’autant plus inquiétante quand ces médias ne sont plus aux mains de patrons de presse mais dans celles de la finance, de la banque, de l’industrie, y compris, comme c’est le cas en France, de l’armement. On comprend mieux alors, mais le citoyen, l’ignore le plus souvent, d’où souffle le vent des invectives médiatiques. La séquence médiatique que l’on vient de vivre ici est particulièrement emblématique de ce fonctionnement. Pendant tout l’été François Hollande a été victime d’un véritable bombardement médiatique [[Voir le Blog-Notes du 23/08/12]]. Alors que le président fraîchement élu respectait peu ou prou son ordre de marche et mettait peu a peu en place les réformes promises, – il est vrai dans le temps plus lent de la politique et de l’indispensable concertation qui n’est pas celui de la frénésie médiatique –, les « Unes » de la presse française – de droite ou de gauche – étaient autant d’accusations d’impuissance, d’immobilisme, on lisait même de « nullité ». Le chef de l’état ainsi assiégé accélérait-il le rythme qu’on lui reprochait alors de tomber dans la précipitation sarkozyste.
Tout, tout et le contraire de tout était donc bon pour alimenter ce qu’on appelle le « Hollande-bashing », le dénigrement systématique. Et enfin, le président s’adressait-il dimanche dernier à la télévision pour rappeler un cap essentiel martelé durant sa campagne, celui de la réduction drastique du déficit public d’ici 2013, que les commentateurs s’exclamaient : « il a enfin pris la mesure de la crise » même si aussitôt après les critiques fusaient à nouveau. Car, et c’est mon cas, on peut juger erronée, inadaptée ou dangereuse cette austérité qui ne dit pas son nom et qui risque de compromettre toute relance. Mais cette philosophie-là était bien celle annoncée avec conviction par le candidat Hollande. Il y a décidément un côté surréaliste dans ces déchainements médiatiques à contretemps et troubles dans leurs objectifs.