« Mon véritable adversaire n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, et pourtant il gouverne (…), c’est le monde de la finance » : on n’a pas oublié la tirade du Bourget. Ce jour-là, le 22 janvier 2012, François Hollande s’affirmait comme un candidat de gauche. Cette proclamation et son programme de réforme fiscale, concocté par Thomas Piketty, pouvaient valider le slogan de campagne socialiste ; « Le changement, c’est maintenant ». Hollande élu, ce chemin du changement s’annonçait sinon radieux, au moins possible. Très vite, et pour la première fois dans son histoire, la gauche détenait tous les leviers du pouvoir : la présidence, la chambre des députés, les régions et enfin le sénat !
Et puis : rien ! Oubliée la réforme fiscale qui devait « produire » de l’égalité, inventée la formule du « socialisme de l’offre », négligés tous les avertissements des économistes, y compris les plus libéraux, à l’encontre de l’austérité dogmatique. De tergiversations en renoncements, de défaites cuisantes en faux fuyants, le président Hollande finissait par se débarrasser de ses oripeaux sociaux-démocrates pour endosser – enfin ! exultera le MEDEF – ses nouveaux habits de social-libéral. « Clarté et cohérence » saluent les patrons français qui, hier, lors de leur université d’été, font une ovation à Manuel Vals, version II. Cette période restera pour les historiens une matière d’une stupéfiante richesse et pour les socialistes français d’une désespérante mutation muette. Un cycle s’achève qui avait commencé en 1983, décidé par Mitterrand, avec le tournant de la rigueur, alors baptisé « parenthèse » par Lionel Jospin et inspiré par Jacques Delors. Aujourd’hui, dans une longue suite idéologiquement logique, s’installe à Bercy, le jeune et brillantissime Emmanuel Macron, inspirateur et gardien du pacte de responsabilité, social-libéral assumé et sans complexe, fils incestueux de Rocard et Attali. Comme jadis Georges Pompidou, Emmanuel Macron est issu de la Banque Rothschild. Le candidat du Bourget avait donc raison : la finance gouverne. Finalement, François Hollande a peut être posé l’acte le plus important de son quinquennat. La gauche de gouvernement est passée avec armes et bagages dans le camp du social-libéralisme. Le PS écarté de tous débats et décisions est mutique et paralysé. Dans ce champ de ruines, la gauche française, réformiste et radicale, trouvera peut-être les raisons et l’énergie d’une indispensable refondation. Mais le temps presse car jamais l’espace n’a été aussi offert au Front National…