C’est donc le peuple grec qui peut faire mentir Margaret Thatcher et la fameuse formule qu’on lui prêtait à l’époque de l’ultra libéralisme naissant : la fameuse « TINA » (There is no alternative). Formule qui pourrait d’ailleurs toujours résumer la politique actuelle de la totalité des gouvernements européens, toutes tendances confondues, tant le libéralisme (social ou pas) a imposé son emprise idéologique notamment sur la sociale démocratie du vieux continent. La victoire de Syriza contredit le courant dominant et affirme la possibilité d’une alternative (TIA !).
Cela ne signifie pas pour autant que le parti d’Alexis Tsipiras sera en mesure (et en aura-t-il la volonté suffisamment ancrée ?) de la concrétiser. L’histoire a montré que même avec 51 % des suffrages une gauche peu ou prou radicale et qui respecte ses engagements se heurte aux pressions – ou à l’intervention directe- de coalitions internationales, gardiennes du capitalisme (qu’il soit financier ou autre). L’interventionnisme européen de Merkel à Hollande en passant par Juncker et Moscovici durant la campagne grecque n’en est qu’un signe mineur. Et sur le plan interne, le respect du verdict populaire doit faire face à la politique de rétorsion économique et politique des intérêts dominants. Avec un peu plus de 36 % des suffrages, Syriza est, de plus, condamné à trouver un partenaire de coalition qui, tout en état de cause, visera à « modérer » son programme. Du point de vue programmatique, précisément, la majorité des observateurs, y compris ceux qui ne sont pas suspects de sympathie pour Syriza, conviennent que l’on est face à un projet essentiellement keynésien. Fin de l’austérité dans ses formes les plus tragiques, relèvement du salaire minimum, accès à la retraite à 62 ans (au lieu de 67 ans), programmes de travaux publics et naturellement renégociation de la dette. Sans oublier de véritables mesures luttant contre le clientélisme et l’évasion fiscale. Bref, ce qu’un parti réformiste traditionnel, ici et là, avait encore à son programme il y a quelques années.
Si on est donc loin de la révolution, le choix du peuple grec constitue bien un renversement de tendance radical. Il rejette loin du pouvoir les formations usées, corrompues et incompétentes, il affirme le refus du diktat de la « troïka » dont les échecs arrogants ont enfoncé le pays dans la faillite et la pauvreté, il exige une politique basée sur la dignité et l’égalité sociale. La lucidité n’exclut pas l’espoir et quelles que soient les difficultés qui attendent dès aujourd’hui Syriza, en dépit des affrontements qui seront sans concessions, cette victoire est un encouragement déterminant pour tous ceux qui, en Europe, affirment qu’une autre politique est possible. Une brèche est ouverte…