À propos de « L’Oro del Cammino », film documentaire de Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro[1] ( 94’)
L’audace du noir. Les premiers plans de L’Oro del Cammino nous plongent dans la nuit du Monte Faito qui, à plus de 1000 mètres d’altitude, domine la baie de Naples. Lentement deux phares tracent un chemin dans la montagne pendant que la ville parthénopéenne s’illumine de mille feux d’artifice sauvages. Des hommes, détenus et toxicomanes, prennent le chemin de la communauté du Camino où ils vont tenter de retrouver le sens d’une vie heurtée dans une démarche thérapeutique collective et individuelle. Le noir — interdit à la télévision — est cinéma. Symboliquement et esthétiquement, il incarne la vie de ces hommes comme la lumière hésitante des phares de la voiture qui escalade le Monte Faito leur dit un avenir possible.
Ainsi commence magnifiquement le film de et Nathalie Rossetti et Turi Finocchiaro[2]. Leur filmographie est faite de parcours initiatiques. Dans la nature rude et belle du Monte Faito, l’existence est parcourue de douleur et d’espérance. Le travailleur social, la psychologue, la thérapeute artistique font tous preuve de bienveillance, d’écoute sans apriori, mais aussi d’exigence. Un soir ces résidents, peu ordinaires reprennent mezza voce la chanson de Vasco, « Senso ». Ils murmurent : « Je veux retrouver un sens à cette vie même si cette vie n’a pas de sens… »
Retrouver l’affectif dans la communauté, redécouvrir le corps, rattraper les proches : la démarche thérapeutique est collective et individuelle. La communauté est à la fois un refuge un peu hors du temps et un moyen d’affronter le quotidien. Il y a les grandes et petites victoires, comme celle du sevrage, mais aussi les rechutes de ceux qui s’en sont retourné à Naples, la « Bella Napoli », ville du baroque et des bas-fonds, mère créatrice et dévorante. Parce que « dehors, il y a la réalité », dit l’un d’eux et ajoute un autre « la cocaïne est amante qu’il est difficile de quitter ». Mais on sent, on vit le fait le travail sur eux-mêmes leur laisse deviner un avenir autre. Parfois la souffrance devient sérénité.
Le décor somptueux du Monte Faito scande leur parcours. Il est évidemment un des personnages clefs du film. Le Monte domine la baie de Naples et le Vésuve. Les patients de la communauté la regardent comme un défi et un rêve. Les bois de hêtres, les chemins tortueux, la nature parfois déchainée, un cheval égaré, les saisons sont filmés dans une démarche esthétique qui n’est jamais illustrative, mais qui encadre symboliquement la démarche de la communauté.
L’oro del Caminno connait déjà un beau succès en salle aussi bien en Belgique qu’en France ou en Italie. Produit sans le soutien d’une grande chaine de télévision, il poursuit sa carrière sur grand écran — qui est bien sa place.
[1] Une production Les Productions du Lagon – Luna Blue Film – Associazione Culturale Monteamare – Borak Films. En coproduction avec Shelter Prod – Wallonie Image Production – Lyon capitale TV https://www.borakfilmsdoc.com/films/loro-del-cammino/
[2] Les réalisateurs (et producteurs) sont aussi les fondateurs et animateurs du festival documentaire qui se déroule sur le Monte Faito et qui en sera cette année à sa XVIIIe édition. Voir : https://faitodocfestival.com/en/home/.