La Génération Palestine

Il y a un peu plus d’un demi-siècle, la lutte du peuple vietnamien contre l’impérialisme américain avait mobilisé la jeunesse. La solidarité avec un peuple massacré au napalm avait été le ferment de la politisation de toute une génération. Celle-là même qui s’était retrouvée sur les barricades de mai 68 et qui allait poursuivre sa mobilisation en solidarité avec les peuples du tiers-monde en lutte pour leur libération nationale. Une mobilisation qui pour la part la plus politisée du mouvement affirmait aussi son anticapitalisme et allait construire les prémices du combat écologique.

«  FLN vaincra » criait-on dans les rues de Paris, Londres ou Berlin. « Free, Free Palestine » est le mot d’ordre d’une génération qui bat le pavé des villes du monde entier. Il est des moments où la prise de conscience dépasse les milieux traditionnellement engagés. Quand la nécessité vitale de s’opposer à une politique de mort qui avilit ceux qui la mettent en œuvre emporte les cadres habituels de la protestation. Il s’agit de dénoncer le génocide perpétré par Israël et d’affirmer les droits fondamentaux du peuple palestinien bafoués depuis 1948 avec la complicité de l’Occident. Avec courage et obstination, depuis des décennies de nombreuses organisations manifestent leur solidarité avec la Palestine. Mais longtemps ce fut dans des cercles limités avec des échos assourdis. Aujourd’hui quelque chose a changé et pas seulement à cause de la monstruosité de la situation. Les gouvernements occidentaux (à quelques exceptions près) qui se voilent la face, la complicité active de l’Union Européenne avec Tel-Aviv sont devenus insupportables à une très grande partie de nos populations. Le mouvement qui s’exprime plonge ses racines au plus profond dans la société. La jeunesse que l’on dit prisonnière de son individualisme digital est dans la rue. A travers la solidarité avec le peuple palestinien, c’est aussi une politisation qui se dessine. Les manifestations rassemblent toutes les couches de la population. Femmes et hommes de toutes générations, de conditions diverses, d’origines multiples déferlent en un mouvement solidaire qui redonne confiance en l’humanité. L’exemple de l’Italie est sans doute l’un des plus frappants. Depuis une semaine la rue est devenue le domicile permanent de centaines de milliers de manifestants. Le vendredi 3 octobre, les organisations syndicales lancent un mot d’ordre de grève générale qui rassemble plus de cent cortèges dans les villes italiennes. Le lendemain à Rome le fleuve est devenu un raz de marée : deux millions dans les rues de la capitale. Du jamais vu depuis 20 ans. Les jeunes en particulier se sont pleinement reconnus dans la flottille pour Gaza. Lycéens, étudiants, jeunes travailleurs ne veulent pas s’en tenir là. Cette fois les mots de Giorgia Meloni qui ironisait sur ceux qui, à travers la grève de vendredi, voulaient un week-end de trois jours ne passent plus. Elle avait qualifié la flottille d’initiative « dangereuse et irresponsable », mais sous la pression des manifestations avait aussi été obligée d’envoyer des navires de la marine militaire italienne protéger la flottille dans les eaux internationales.[1]Le cessez-le-feu et la libération des otages sont un immense soulagement. Avant de les imposer, Trump a participé au génocide. Son plan qui nie les droits des Palestiniens et qui s’inscrit dans la logique coloniale ne peut apporter une solution durable. Tout l’enjeu sera de maintenir la mobilisation au niveau actuel.

[1] En Belgique, Georges Louis Bouchez, le président du MR (libéral) qui revêt de plus en plus souvent l’uniforme de l’extrême-droite avait, lui, lancé une de ses diatribes qui lui tiennent de politique. Il déclarait à propos de la flottille   : « le délire doit cesser. Ces gens savaient et savent très bien ce qu’il va leur arriver : une douche, un sandwich et un billet d’avion pour rentrer chez eux tranquillement aux frais du contribuable israélien. Mais pendant ce temps, ils vont faire un cinéma pas possible pour faire croire qu’ils sont soi-disant « tenus en otage ».

 

 

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4 réponses à La Génération Palestine

  1. claude semal dit :

    Merci Hugues pour ce papier qui nomme expressément le moment que nous venons de vivre. Le parallèle avec le Vietnam me semble juste : c’est toute une génération (et la jeunesse, et les plus vieux) qui s’est mobilisée contre un crime de masse.

  2. Baudouin dit :

    Nous scandions : Aujourd’hui l’Indochine et demain la Palestine !
    On n’y est pas encore…. Loin de là…. Mais l’espoir fait vivre !

  3. Morelli dit :

    J’ai vu pour la première fois deux de mes enfants se mobiliser très énergiquement et ma petite -fille d’un an a déjà participé à de nombreuses manifestations….
    Pourvu que leur indignation demeure car la Palestine est loin d’être libre.
    Les plans bidon pourraient les endormir

  4. emmanuelle Dupuis-Boons dit :

    J’ai écouté samedi un reportage radio ( La 1ère ), sur la formidable mobilisation et le blocage de chargements israeliens par les dokers du port de Gènes et d’autres ports d’Italie. Emouvant et enthousiasmant!

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