La droite, l’extrême droite, le fascisme et le MR

Battre les blancs avec un coin rouge, Lazar Lissitzky, 1919

Le débat agite — à juste titre — le landerneau politique et associatif. Le MR peut-il (doit-il) être qualifié d’extrême-droite et/ou de fasciste ? La question n’est évidemment pas que sémantique. La réponse qu’on lui donne conditionne le comportement que les forces démocratiques doivent adopter vis-à-vis du Mouvement Réformateur, comme on l’a vu récemment à propos des manifestations qui voulaient empêcher la tenue de réunions des Libéraux à Liège et à Saint-Gilles.

Deux analyses récentes permettent de cadrer le débat et de servir de base à une réflexion et à l’élaboration d’une réponse stratégique à « l’extrême-droitisation » du MR, qui, elle, est de toute manière incontestable. Il y a quelque temps déjà Martin Georges[1] avait justement démonté tout ce qui nourrit la « guerre culturelle » entreprise par Georges-Louis Bouchez contre la gauche, le « wokisme », les syndicats, les médias « gauchistes » et à peu près toutes les forces qui contestent peu ou prou le capitalisme. L’arrivée de militants du mouvement d’extrême droite « Chez Nous » au sein du parti, le relais sur les réseaux sociaux de sites d’extrême droite ou fascistes par des élus et des dirigeants libéraux (dont son président lui-même), des déclarations xénophobes et racistes de ministres du MR, les attaques directes contre les journalistes et contre la RTBF, les charges permanentes contre « les assistés sociaux » sont autant d’éléments qui font dire à Martin Georges que « si le MR n’est pas d’extrême droite, ce qui est certain, c’est que l’extrême droite est aujourd’hui au MR ». Et il est incontestable que pour une frange importante du MR, son président en tête, un certain nombre de « valeurs » d’extrême droite sont partagées et validées ce qui aboutit à leur légitimation.

L’autre analyse pertinente et qui mérite débat est celle de Vincent de Coorebyter parue dans Le Soir.[2] Le politologue reprend et valide les propos de Martin Georges « J’étais convaincu qu’on ne peut pas qualifier le MR d’“extrême droite”, et je le pense toujours. Mais j’étais troublé par la longue liste d’indices, ou de signaux d’alerte, émanant d’acteurs politiques ou d’intellectuels qui dénoncent au minimum un glissement du MR vers l’extrême droite ». Et de Coorebyter de nuancer : « Pour le reste, j’y vois surtout, à ce stade, du populisme et de l’électoralisme, une stratégie d’incarnation de la vox populi réactionnaire, avec laquelle Georges-Louis Bouchez se sent en phase et qu’il décide donc de relayer. »

Les nuances sont importantes et le sens des mots primordial dans l’analyse politique d’un phénomène qui peut mettre aujourd’hui en cause des éléments de la démocratie et de l’état de droit. Mais dans les faits et les actes, l’extrême-droitisation du MR est incontestable. Cela ne signifie pas pour autant que l’on puisse le qualifier de fasciste. La doctrine créée par Mussolini répond à des critères précis : système totalitaire, reniant toutes les libertés individuelles et démocratiques, nationalisme, militarisme, populisme, culte du chef, racisme. Accuser le MR de « fascisme » non seulement ne correspond pas aux critères scientifiques et historiques, mais finit par empêcher de combattre plus efficacement une politique qui menace la démocratie politique et sociale.

Car aujourd’hui le plus grand danger n’est pas l’irruption du fascisme, mais bien l’alliance ouverte ou feutrée entre une droite traditionnelle radicalisée et une extrême-droite drapée dans une pseudo respectabilité. La tendance est à l’œuvre dans plusieurs pays européens et est déjà arrivée à ses fins en Italie sous la houlette de Giorgia Meloni. De plus, elle bénéficie des encouragements de Donald Trump. Au parlement européen, le PPE (démocrate-chrétien) construit de plus en plus souvent des alliances avec les partis d’extrême-droite et néo-fascistes. En France, les Républicains (Retailleau, Wauquiez) sont prêts demain à former des majorités avec le Rassemblement National. En Belgique, le MR n’est pas dans la même équation parlementaire puisque l’extrême droite francophone n’a pas de représentants, mais il se coule dans la même démarche idéologique en portant peu ou prou des éléments de son programme.  C’est en tenant compte de cette réalité qu’il faut faire barrage à la « guerre culturelle » menée par Georges Louis Bouchez. En n’oubliant jamais que si elle a trouvé un terrain où fructifier, c’est aussi parce qu’au cours des décennies précédentes la gauche dite « de gouvernement » a abandonné le terrain des luttes populaires et a succombé aux sirènes du néolibéralisme.

 

[1] https://www.revuepolitique.be/enquete-lextreme-droite-au-mr-ou-la-strategie-de-la-perversion/

[2] be/715 288/article/2025-12-06/le-politologue-vincent-de-coorebyter-je-ne-parlerais-pas-dextreme-droite-au-mr

Ce contenu a été publié dans Blog. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *