Vendredi dernier, une partie de la presse s’est distinguée à l’occasion de la journée d’action des syndicats FGTB et CGSLB. Il y avait longtemps que l’on avait plus assisté à un tel déferlement antisyndical. Tous les poncifs étaient repris en chœur par des éditorialistes complaisamment cités en boucle par les radios. « Cauchemar », « galère » pour illustrer les conséquences de l’action mais surtout « grévitude idéologique », « artillerie lourde » pour qualifier le mouvement de protestation. A côté des éditorialistes libéraux traditionnellement antisyndicaux, La Libre Belgique s’est particulièrement distinguée dans la vague conservatrice reprenant, pour l’occasion, ses accents d’antan : tout était bon pour vilipender les syndicats évidemment irresponsables . De quoi rasséréner le patronat qui évoquait, lui, une « erreur historique » des organisations des travailleurs.
Photo FGTB Metallos
On vit un moment paradoxal. Alors que la crise a mis en évidence la faillite du capitalisme financier, les remèdes et les valeurs du modèle libéral continuent à dominer outrageusement les discours ambiants. Et si l’on veut parler d’idéologie, en l’occurrence c’est bien la promotion de ce discours qui s’exprime dans ce registre. On peut mettre en cause la communication syndicale ou la manière dont les dirigeants des organisations ont accepté un accord interprofessionnel qui a été ensuite récusé par la base, on peut déplorer la division syndicale mais les raisons de la protestation devraient être évidentes aux yeux des commentateurs les moins avertis. Le refus des augmentations salariales ( au-delà des misérables 0,3 %) alors que la reprise s’exprime dans plusieurs secteurs et que de nombreuses entreprises renouent avec la profit, parfois d’une manière spectaculaire, les menaces réelles sur l’indexation automatique des salaires relancées via l’Union Européenne, la précarisation de l’emploi sont autant de réalités qui justifient non seulement un « malaise » ( comme le consent pudiquement « Le Soir » de ce samedi) mais la mobilisation et la colère du monde du travail qui a déjà, on ne répétera jamais assez, payé une première fois le prix de la crise.
En ce qui concerne l’indexation des salaires, le gouvernement a beau affirmer qu’il n’y touchera pas, on verra comment à terme cette équipe en affaires courantes même élargies (ou un éventuel futur gouvernement dont l’orientation ne devrait pas être plus progressiste…) réagira à l’offensive tous azimuts menée par le couple Sarkozy-Merkel, appuyé par le président de la Banque Centrale Européenne et relayée à présent par Herman Van Rompuy, le président du Conseil Européen. Pour s’opposer à cette coalition-là, il faudra d’autres mobilisations qui n’auront rien voir avec la « grévitude idéologique »…