En février dernier quand elle avait été élue secrétaire du Parti Démocrate (PD) d’une manière plutôt inattendue, Elly Schlein savait qu’elle allait au-devant d’une tâche extrêmement difficile. Redresser à gauche, un parti qui depuis 2007 s’était converti au social-libéralisme sous la houlette de Walter Veltroni et qui s’était coupé de l’électorat populaire au profit de la bourgeoisie urbaine : le défi relevait de l’impossible. Sa position était d’autant plus délicate qu’elle devait d’abord son élection aux non-membres séduits par son programme – et qui ont le droit de vote dans le système des primaires ouvertes — alors que les inscrits au PD avaient, eux, donné la majorité à son concurrent, le gouverneur de l’Émilie Romagne, Stefano Bonaccini, figure emblématique du centre-gauche gestionnaire.
Sept mois plus tard et après une intense activité sur le terrain, Elly Schlein persiste et signe. Partout elle a réaffirmé ses objectifs pour le parti : lutte contre les inégalités, salaire minimum, retour d’ une politique de santé publique, revenu de citoyenneté (auquel le PD s’était opposé), radicalisation de la transition écologique, droits des minorités, politique migratoire ouverte. Autant de combats qui l’opposent évidemment au gouvernement d’extrême-droite de Giorgia Meloni, [1]mais qui ne sont pas sans poser question au PD lui-même. Car au cours des quinze dernières années, quand il était aux affaires dans différents gouvernements techniques ou de larges coalitions, le parti de centre gauche a largement participé — quand il ne les a pas initiées — aux mesures de régression sociale, d’austérité et de privatisation. La crédibilité de la nouvelle direction passe par un examen critique des politiques passées. Une démarche rarement assumée par des dirigeants qui sont, pour la plupart, toujours en activité et qui organisés en « courants » personnalisés et concurrents entendent bien préserver au mieux leur pouvoir de nuisance.
Il y a quelques jours une trentaine d’élus et de dirigeants locaux de Ligurie ont démissionné du PD pour protester contre la ligne de Schlein qu’ils estiment trop à gauche et trop radicale. La secrétaire a répondu sans ambages « que si quelqu’un ne peut se sentir chez lui au sein d’un PD qui se bat pour l’environnement, un travail de qualité et les droits civils, alors peut-être, qu’avant déjà, il avait choisi une mauvaise adresse ». La réaction sans concession de la secrétaire du PD a provoqué de nombreux remous dans les rangs des cadres du parti, y compris parmi ceux qui aient soutenu sa candidature. Dimanche dernier, à la clôture de la Fête de l’Unita, Elly Schlein a voulu rassurer sur sa volonté d’assurer le pluralisme au sein du PD, mais elle aussi réaffirmé sa volonté de parler « à ceux d’en bas » abandonnés par la politique de ses prédécesseurs. Cela suppose un changement radical non seulement de la ligne politique des dernières décennies, mais aussi de la nature même du PD. Passer du social-libéralisme à un retour aux références de classes, quitter le positionnement équidistant entre les travailleurs et les patrons, abandonner la politique désincarnée et distante pour retrouver les territoires autant d’ambitions quasi révolutionnaires dont on peut douter qu’elles soient compatibles avec l’identité originaire du PD. Il faudra maintenant passer des discours aux pratiques politiques et surmonter la prochaine échéance électorale ( les européennes de 2024 principalement). Elly Schlein n’est pas seule. Elle s’est rapprochée de la CGIL et des luttes syndicales, elle maintient de bonnes relations avec les Cinque Stelle même si elle compte bien leur reprendre des électeurs qui, en désespoir de cause, avaient abandonné le PD. En interne, elle a le soutien de nombreux jeunes, des femmes en particulier, de celles et ceux qui avaient déserté le PD et la politique et qui voient en elle une véritable alternative, mais elle doit aussi faire face à l’hostilité ouverte ou encore discrète de la plus grande partie de la nomenklatura du PD. Dimanche dernier lors de son intervention à la Fête de l’Unita, les barons du parti, y compris ceux qui avaient appuyé sa candidature, brillaient par leur absence. Un signal qui fait craindre que le plus coriace adversaire de la première dirigeante du PD soit son propre parti.
[1] Qui fêtera bientôt le premier anniversaire de son gouvernement (22 octobre) dans un contexte pour le moins difficile (budget, plan de relance européen, crise migratoire). On y reviendra.
Merci Hughe pour ces info toujours intéressantes.