Les fastes du 20e anniversaire de la chute du mur estompés, quelques polémiques demeurent et ne sont près de s’éteindre sur cet épisode qui marqua, d’une certaine manière, la fin du XXe siècle. Il en est une particulièrement malvenue qui a rebondi en France pour des raisons essentiellement politiciennes mais qui a été largement reprise par la presse et les observateurs internationaux. Je veux parler de cette accusation récurrente portée à l’encontre de François Mitterrand de s’être opposé, ou au moins d’avoir freiné la réunification de l’Allemagne après la chute du Mur.
Certes Mitterrand appartenait à cette génération d’homme d’Etat marqué par deux guerre avec l’Allemagne mais il ne partageait pas l’avis d’un François Mauriac qui avec délectation disait tellement aimer l’Allemagne qu’il était heureux qu’il en existe deux. Le président français avait peu de vraies convictions mais la construction européenne faisait partie de celles-ci. Et par ailleurs, il avait développé avec le chancelier Kölh une véritable complicité politique. Pour avoir beaucoup suivi François Mitterrand à cette époque et l’avoir même accompagné en novembre 89 lors de son voyage controversé en Allemagne de l’Est, je me permets d’apporter ce témoignage personnel. Lors de ses discours officiels à Berlin Est ou pendant ses longs échanges avec les étudiants de Leipzig, jamais il ne découragea la réunification. Mais à l’égard d’Helmut Kölh et des dirigeants ouest-allemands il fut intransigeant sur deux points : l’intangibilité des frontières avec la Pologne et l’ancrage ouest européen de l’Allemagne.
C’était pour lui, à juste titre, la condition d’une Europe pacifique et la manière d’éviter que l’Allemagne ne se tourne vers l’Est, déplaçant encore plus fortement le centre de gravité de l’Europe. Mitterrand obtint gain de cause et l’histoire, de ce point de vue, lui rendra un jour justice. Mais le prix à payer de cet ancrage fut certainement le traité de Maastricht offert aux allemands et intégrant encore un peu plus l’Europe dans le libéralisme.