On peut changer d’analyse ou d’opinion sur un sujet aussi grave que le nucléaire par conviction ou par nécessité, sous la pression des événements ou celle des lobbies. Dans le chef du ministre de l’énergie qui vient de décider la prolongation du fonctionnement des vieilles centrales on n’écartera aucune hypothèse dont certaines peuvent d’ailleurs s’additionner. Je n’ajouterai pas mon point de vue personnel sur l’opportunité d’une telle décision. Ni sur sa nature fondamentalement budgétaire ou énergétique.
Par contre, il me semble important d’évoquer ici la question de la décision politique dans une telle matière. Elle est essentielle car elle implique dans ses conséquences plusieurs générations à venir qui auront elles à régler la question des déchets nucléaires dont on parle aujourd’hui avec tant de légèreté quand ce n’ est pas sur un mode purement propagandiste comme c’est le cas dans le cadre du forum de la publicité nucléaire.
Le plus grand paradoxe – le scandale pour certains- de cette décision politique qui engage le long terme est d’avoir été prise sans débat, dans un tout petit cénacle (- même pas un conseil de cabinet) et dans ce qui ressemble étrangement à une précipitation visant d’abord à mettre partenaires et adversaires devant le fait accompli. Et cela, alors que précisément depuis la loi de 2003 qui avait programmé la sortie du nucléaire, aucune politique énergétique à moyen ou long terme n’avait été ni mise en acte, ni même sérieusement étudiée par les instances politiques. Cette absence de vision à long terme avait d’ailleurs été largement soulignée par le Conseil fédéral du développement durable. Et on a peu dit que le rapport du groupe Gemix sur lequel s’est basé le ministre de l’énergie pour prendre sa décision n’était pas unanime. Un de ses huit membres, un physicien allemand réputé à remis une note divergente où il conteste l’urgence d’une telle prise de décision sans avoir pointé la possibilité de prendre des mesures ambitieuses d’efficacité énergétique et notamment des mesures de réduction de la demande en électricité.
Et puis, il y a donc cette absence de débat qui est sans doute la plus choquante dans cette prise de décision politique qui engage l’avenir d’une manière peut-être irréversible. Rien au parlement, les citoyens comme les associations concernées soigneusement mises à l’écart, même le gouvernement pris de court. Le ministre de l’énergie affirmait, lui, sur cette antenne, que sa décision avait au contraire déclenché le débat. Un débat après une décision, vous appelez cela comment, Monsieur le professeur de Science politique ?