Un été « horribilis » pour Silvio Berlusconi ? Il est vrai que depuis le 26 avril lorsqu’il s’est rendu publiquement à l’anniversaire d’une jeune napolitaine qui l’appelle « papito » et se vante de ses relations privilégiées avec le président du conseil, les révélations sur sa vie privée/publique – Berlusconi a bâti sa carrière politique sur cette confusion permanente- se sont transformées en long fleuve agité. Demande en divorce de sa femme qui ne veut plus d’un mari qui « fréquente les mineures », photos de soirées dénudées dans la villa du premier ministre, réseaux call-girls présents y compris dans des Palais de la République, etc. Silvio Berlusconi refuse de répondre aux questions d’une partie de la presse, puis donne des versions contradictoires des différents événements, omet, ment et vilipende ses critiques.
L Eglise tance
L’opposition s’indigne, ce qu’il reste de presse indépendante en Italie s’interroge sur les conséquences politiques de ces frasques et sur l’éthique politique d’un homme qui aspire à devenir chef de l’état après avoir été celui du gouvernement, la presse international ironise mais l’opinion italienne, cette majorité qui a adopté le credo berlusconien sur l’importance exclusive et sans frein de la réussite individuelle, que pense-t-elle ? On ne le sait guère. Mais on ne perçoit pas de mouvement de rejet significatif. La forfanterie et la goujaterie berlusconienne ne déplaisent pas au vieux fond machiste d’une partie non négligeable du « Bel Paese ». Alors cet été « horribilis »…Certes l’Eglise et le Vatican tancent le style de vie berlusconien et, en Italie, on ne gouverne pas contre ces forces-là. D’autant que l’Eglise exprime, par ailleurs, de sévères critiques vis à vis de la politique gouvernementale en matière d’immigration. Aujourd’hui, en Italie, la clandestinité est devenue « un délit » et les candidats réfugiés sont renvoyés sur leurs frêles esquifs avant même d’entrer dans les eaux territoriales italiennes à l‘encontre des règles internationales. Sans compter les propos ouvertement racistes des ministres de la Ligue du Nord, fers de lance dans la campagne anti-immigrée. Mais ici non plus, il n’est pas certain que l’attitude gouvernementale soit impopulaire. La victoire idéologique absolue de la droite la plus dure et l’absence quasi totale d’une gauche en déshérence permettent tous les débordements.
La « contre-offensive » d’automne
En dépit de cela, la garde rapprochée de Berlusconi avait annoncé la semaine dernière une « contre offensive d’automne » à l’égard de ses contempteurs.
Première agression, inédite dans l’histoire de la presse d’un pays démocratique : le premier ministre attaque « La Repubblica » en diffamation au sujet des dix questions que le journal lui pose quotidiennement depuis deux mois et auxquels il refuse de répondre. Cette plainte en justice – Berlusconi réclame un million d’euros – contre un journal d’opposition n’a pas de précédent. Et pourtant, en dehors de l’opposition et des cercles intellectuels, les réactions de solidarité avec « La Repubblica » sont molles ou inexistantes. A quelques exceptions près, le restant de la presse se tait. De même que les télévisions privées ou publiques aux ordres du Cavaliere. Des télévisions qui n’ont par ailleurs, jamais autant désinformé que sur les récents avatars du Président du Conseil. Seule « RAI 3 » où survivent quelques journalistes et émissions indépendantes a tenté l’impossible mais les uns et les autres sont en sursis. Ils sont la cible de la « contre offensive d’automne »….On annonce déjà licenciements de journalistes et suppressions d’émissions.
Le Pardon manqué
La dernière attaque du camp berlusconien a été apparemment ( ?) plus maladroite. « Il Giornale », propriété du frère Berlusconi et plus fidèle représentant du premier ministre s’en est pris avec une violence extrême (et sur des soi-disant faits de mœurs évoqués à partir de documents sans doute falsifiés) au rédacteur en chef de « L’Avennire », le quotidien de la Conférence Episcopale Italienne, qui, ces derniers temps, n’a pas épargné ses critiques à l’égard de Berlusconi.
Le numéro 2 du Vatican, le cardinal Bertone annule vendredi dernier un déjeuner qu’il devait avoir avec Silvio Berlusconi à l’Aquila à l’occasion de la « Journée du Pardon ». Double affront pour Berlusconi qui pensait retisser ses liens perturbés avec l’Eglise et bénéficier de cette sorte d’indulgence collective que constitue la Journée du Pardon. Depuis lors, l’Eglise et le Vatican, y compris le Pape en personne, n’ont cessé de manifester leur solidarité au rédacteur en chef de l’Avvenire, Dino Boffo.
On a dit cette fois Berlusconi aux abois. Il est vrai qu’il supporte encore moins qu’auparavant la moindre critique et qu’il a les armes en main pour museler ce qui reste de presse indépendante. Mais le divorce avec l’Eglise est improbable. Il y aura un distanciement formel de quelques temps mais ensuite la hiérarchie romaine fera payer le prix de la réconciliation ou le retour à une neutralité qui a toujours été bienveillante à l’égard du gouvernement. Les matières à engranger pour le Vatican ne manquent pas : de la loi sur la bioéthique à l’euthanasie, de l’éducation à la pilule abortive sans oublier la politique familiale. A n’en pas douter l’interventionnisme de l’Eglise rencontrera les bonnes intentions berlusconiennes. Et tout rentrera dans l’ordre sur les deux rives du Tibre.