Lettre de France : La politique, les noms et les mots

Pour cette dernière chronique de la saison, je reviens, en guise de méditation estivale, à ce qui traverse cet exercice hebdomadaire d’une manière quasi obsessionnelle : à savoir la politique, les mots et les symboles. L’actualité, ici en France le suggère, mais cela vaut pour tous. Dans le brouillage des pistes qui caractérise cette période de crises, l’imposture des mots est essentielle. Voyez la question de réélection de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne.

Obligé de présenter un programme pour espérer sa réélection, Barroso affirme qu’il veut placer au cœur d’un éventuel nouveau mandat « une économie sociale de marché » faite « de régulation financière accrue, d’environnement, de développement industriel et agricole ». Bref tout ce que lui-même et les gouvernements de l’Union européenne n’ont pas fait durant son premier mandat. Tout cela, nous dit-on, sous la pression du président français et de la chancelière allemande dont la politique nationale n’a pas plus été inspirée par ses principes. C’est un trait dominant de cette crise générale, la droite joue à fronts renversés, s’empare des mots d’une gauche asphyxiée et prend une posture qui ne correspond en rien à sa véritable politique.

Ce « transformisme » politique veut confisquer les mots et le programme des adversaires pour les priver d’oxygène. Alors l’imposture des mots sert uniquement à exalter une posture politique sans conséquence, si ce n’est le maintien ou le renforcement de son pouvoir. Comme en politique « dire, c’est aussi faire », les habiles manieurs de mots sont aussi de redoutables joueurs des symboles. Et dans ce registre, Nicolas Sarkozy, n’est pas la moins doué. Inscrire un Mitterrand à son tableau de chasse à l’ouverture n’est pas le moindre de ses exploits. Sur la plan de la politique qu’il mènera, y compris dans le domaine culturel, cela ne changera rien. Mais en termes d’image et de représentation médiatique, c’est gros mais c’est fort.

Tout cela ne grandit ni la politique, ni les hommes qui l’imposent ou qui l’acceptent avec plus ou moins de délectation narcissique mais cela contribue à la confusion généralisée qui sert évidemment son ordonnateur. Plus que jamais la mesure des mots comme le maniement des symboles exige de nous une vigilance démocratique si nous voulons avoir une chance de maîtriser un tant soit peu notre destin collectif.

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