« Personne ne se doute des méfaits que doit commettre le pouvoir afin d’assurer le bien-être du pays », cette phrase du personnage qui incarne Giulio Andreotti dans « Il Divo » de Paolo Sorrentino, cette phrase résume le film et l’homme. On a dit ailleurs et justement tout le bien qu’il faut penser de ce film réalisé par l’un des réalisateurs les plus doués du cinéma contemporain.
Ici, de la farce baroque, je ne retiens que l’extraordinaire fable sur le pouvoir, sa solitude, ses mystères, ses basses œuvres mais aussi parfois sa grandeur. Giulio Andreotti, aujourd’hui 90 ans et sénateur à vie, a traversé la moitié du XXe siècle au pouvoir, pratiquement sans interruption. 27 fois ministres, 7 fois président du conseil de 1947 à 1992, Andreotti surnommé, entre autres, « l’inoxydable » a traversé sans encombre ou presque tous les épisodes les plus noirs de la vie politique italienne, ceux du terrorisme, de la mafia et des scandales financiers. Il y eu bien, dans les années 90, deux procès pour complicité avec la mafia et assassinat d’un journaliste, mais Andreotti fut absous, faute de preuves suffisantes. « Face à certains impératifs, il n‘y a pas nécessité de la vérité » dit Il Divo. Paolo Sorrentino explique aussi qu’ « à l’époque d’Andreotti, les hommes politiques pensaient qu’ils dureraient éternellement et se croyaient tout permis. Mais ils avaient un certain sens de l’Etat, à la différence de ceux d’aujourd’hui ». Ce qui en dit long aussi sur l’Italie contemporaine.
Giulio Andreotti a aussi incarné la toute puissance d’une démocratie chrétienne qui a longtemps régné sans grand partage sur la péninsule. Dans une assemblée parlementaire houleuse, Andreotti seul à son banc murmure à son bras droit : « Tu vois les bancs de la majorité et ceux de l’opposition. Je n’appartiens pas à la démocratie-chrétienne. Je suis transversal. Il y a des andreottiens dans tous les partis ». Cette transversalité de la politique demeure une constante de la vie politique italienne. Et Il Divo de Sorrentino, très réaliste dans sa fiction, dit juste. Aujourd’hui encore, disséminés dans tous les partis, chez Berlusconi comme au parti démocrate, les anciens démocrates chrétiens reconvertis sous divers étiquettes sont toujours là, et souvent aux commandes. Comme le dit si bien, le vrai Giulio Andreotti, « le pouvoir use …ceux qui ne l’ont pas ».