Le piège tendu par Nicolas Sarkozy était diabolique : il est en train de se refermer sur sa proie. Quand il annonce le 8 janvier dernier la suppression de la publicité sur les chaînes de télévisions publiques, certains n’hésitent pas à se féliciter d’une mesure qui en soi est salutaire mais qui, de fait, s’avère totalement perverse. Et d’ailleurs, syndicats de l’audiovisuel comme producteurs, réalisateurs et techniciens ne s’y trompent pas et dénoncent une mesure unilatérale qui ne garantit pas la pérennité du financement du service public.
Six mois plus tard, les jeux semblent quasi faits. Une commission d’étude tergiverse. Elle envisage mollement une augmentation de la redevance pour compenser la perte des ressources publicitaires que Nicolas Sarkozy en exclut catégoriquement la possibilité. Et cette semaine le gouvernement dévoile ses batteries et offre de véritables cadeaux aux chaînes privées en les autorisant à une deuxième coupe publicitaire dans les films et les fictions et en augmentant globalement le temps dévolu à la pub. A la bourse les actions de TF1 -dont on connait la proximité présidentielle- et de M6 fond un bond en avant. Les dirigeants du service public, leur personnel et la production indépendante sont partagés entre colère et désespoir. L’augmentation de la redevance écartée, la puissance privée renforcée, il reste un hypothétique financement parafiscal mais dont les cibles – internet et les télécoms- ont déjà mobilisé leur lobby pour réduire ou échapper à toute ponction.
Parallèlement le gouvernement français pense à limiter ou supprimer les règles anti-concentrations qui interdisent à un même groupe de détenir à la fois un journal, une télévision et une radio. Cette double offensive qui aboutit à l’affaiblissement du service public et permettrait de nouvelles concentrations médiatiques sont inquiétantes pour le pluralisme de la presse. D’autant que l’on connaît les liens personnels étroits du président avec les principaux patrons des médias français. Officiellement la suppression de la pub était censée sortir l’audiovisuel public de la logique commercial dont il est effectivement par trop dépendant. Mais c’est bien l’inverse qui se produit avec le triomphe absolu de cette même logique. Et cette problématique n’est pas exclusivement française. Les citoyens, les consommateurs, les téléspectateurs ont à méditer cet exemple face à ceux qui chez nous demandent la suppression de la pub dans l’audiovisuel public sans garantie absolue d’un financement alternatif.