On se souvient des professions de foi du candidat Macron en 2017 : ni de gauche, ni de droite, mais « en même temps »… En un quinquennat, le président a pu faire la démonstration d’une politique qui n’était « ni de gauche, ni de gauche ». Aujourd’hui, en dépit de promesses du « nouveau président » pour un « nouveau peuple », son premier gouvernement du second mandat a été constitué sous le signe de la continuité de l’emprise de la droite. Dans le gouvernement Borne (sur un total de 27) on trouve 14 ministres reconduits notamment dans les postes clefs de l’économie et des finances et de l’intérieur qui marquent l’empreinte d’une droite radicalement libérale et foncièrement répressive. Les promesses de planification écologique peuvent déjà être mises en doute par la désignation de deux ministres novices en matière de transition énergétique et écologique qu’elles semblent découvrir.
La seule surprise — elle est de taille — est évidemment la nomination de l’historien Pap Ndiaye, spécialiste de la condition noire et de l’histoire sociale des États-Unis à la tête de l’Éducation Nationale. Pap Ndiaye qui dirigeait le Musée de l’Immigration[1] est évidemment aux antipodes des positions de son prédécesseur Jean Michel Blanquer qui avait mené une croisade contre l’« islamogauchisme » et le « Wookisme ». Les positions sociales et identitaires des deux hommes sont totalement incompatibles. On ne peut que se réjouir de cette audace. Mais elle a déjà déchainé les propos racistes de l’extrême droite et de la droite radicale qui mettent immédiatement en cause l’identité française et républicaine du nouveau ministre.
Les réflexions et l’engagement de Pap Ndiaye qui sont construits sur la lutte la plus large contre les inégalités trouveront-ils la possibilité de s’exprimer dans sa nouvelle fonction ? Le « nouveau » président assumera-t-il ce changement politique qui devrait être fondamental dans le domaine de l’éducation nationale ? Poser la question, c’est sans doute déjà y répondre. Pour Emmanuel Macron l’opération appartient à la catégorie des coups politiques qui peuvent peu ou prou semer la confusion en cette période électorale. Faire siéger Darmanin et Ndiaye dans le même Conseil des Ministres est certes audacieux, mais peut aussi, après tout, être la manifestation du cynisme absolu en politique. Une sorte d’écran de fumée presque parfait qui permet de détourner l’attention des autres questions posées par la composition du gouvernement. Mais avant d’aller plus loin, attendons donc les paroles et les actes…
On aurait évidemment envie de demander à Pap Ndiaye ce qu’il va faire dans cette galère. Car si sa nomination met surtout en évidence le symbole qu’il représente, elle ne s’accompagne pas d’une modification de la politique macronienne foncièrement inégalitaire. Si le nouveau ministre maintient ses positions sur le « déni des brutalités policières en France » ou sur le « racisme structurel » d’une partie de l’hexagone, s’il veut traduire ses positions sur les discriminations dans une nouvelle conception du rôle de l’école, on ne voit pas comment les conflits ne pourraient pas éclater — pour ne pas dire exploser — au sein du gouvernement d’Élisabeth Borne. On sait que Pap Ndiaye concilie ses positions tranchées avec une rare capacité de dialogue et de médiation. Et s’il ne renonce pas aux premières, il devra sans doute et plus ou moins rapidement buter sur des contradictions politiques insurmontables. Avant lui, Nicolas Hulot avait navigué entre les écueils avant de reconnaitre son impuissance. Aujourd’hui, il n’y a pas vraiment de raison de penser que le nouveau ministre de l’Éducation nationale connaisse un autre sort. Mais si, fidèle à lui-même, il mène le combat habilement et hardiment, nul ne peut dire quelles en seront les conséquences finales pour lui… et pour le pouvoir.
[1] Nommé par Emmanuel Macron dont, dit Le Monde ( 22/23 mai 2022) , Pap Ndiaye « s’était rapproché faisant figure de « conseiller culture » officieux durant sa seconde campagne présidentielle ».
Je suis beaucoup moins optimiste que vous.
Un ministre ne fait pas ce qu’il veut. Son chef de cabinet a un TRES grand rôle et généralement donne le ton. Pour pouvoir agir, il doit aussi avoir toute son administration derrière lui.
Je crois au coup « marketing » de Macron, l’illusion de la diversité recommandée par McKinsey.
Je ne suis pas optimiste et je ne dis pas le contraire de vos propos. J’évoque des « contradictions politiques insurmontables »
Macron réédite le coup de Sarkozy nommant Azouz Begag ministre de l’Égalité des chances avec probablement les mêmes objectifs de communication et les mêmes impensés racistes qui ont fini par se traduire, après des manifestations d’irrespect, par le fait de le virer proprement de son gouvernement.
N’est il pas dit et écrit que les ministres non réélus en juin seront sortis du gouvernement? Le risque de voir poursuivre Mr Ndiyaie au delà est plus que ténu. Le président aura essayé….. sans grand risque.
Sauf qu’il ne sera pas candidat…mais il y aura d’autres pièges
« Mais avant d’aller plus loin, attendons donc les paroles et les actes… » C’est exactement ce qu’il faut dire. Sinon on bascule dans l’imprécation et c’est aussi automatique que stérile; on cesse alors de faire de la politique pour générer du bruit. Beaucoup de français adorent cela mais on voit où cela les a menés. Prenons au contraire Ndiaye au mot et attendons de voir si sur un plan, ne fût-ce qu’un seul, .il arrive à faire bouger les lignes. Après il sera temps de lui demander ce qu’il fait là. Ou pas.